Les grandes dramaturgies naissent dans de petits théâtres

Les théâtres de création de Hélène Beauchamp

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Publié 14/02/2006 par Paul-François Sylvestre

Après trente années de recherches en tant qu’historienne du théâtre, Hélène Beauchamp propose un «road book» du théâtre de création au Québec, en Acadie et au Canada français. Elle présente, du point de vue personnel et éclairé d’une passionnée et d’une spécialiste, le panorama le plus large de la création théâtrale contemporaine.

L’ouvrage d’Hélène Beauchamp s’intitule tout simplement Les théâtres de création au Québec, en Acadie et au Canada français.

De 1975 à 2005, l’auteure a parcouru le pays et a consigné dans son carnet de voyage «ces lieux ouverts toute l’année, qui sont habités par des compagnies de création qui façonnent leurs saisons à partir d’œuvres nouvelles ou de la lecture nouvelle de textes connus».

Cette précision est importante car elle explique pourquoi les deux compagnies torontoises ne sont pas incluses dans ce carnet de voyage. Ni le Théâtre français de Toronto ni le Théâtre La Tangente habitent leur lieu de production; de plus, le TFT est foncièrement un théâtre de répertoire et exceptionnellement un théâtre de création.

Dans cet ouvrage d’environ 500 pages, le Québec occupe de toute évidence la part du lion.

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Il y est question des grandes institutions telles que le Théâtre du Rideau Vert, le Théâtre du Nouveau Monde, le Théâtre d’Aujourd’hui et le Théâtre Denise-Pelletier. On y parle aussi du Théâtre Périscope, du Nouveau Théâtre Expérimental, du Groupe de la Veillée, du Théâtre Les Deux Mondes et du Théâtre de Quat’Sous. Du côté des théâtres de marionnettes, on s’arrête au Théâtre Sans Fil, à L’Illusion et au Théâtre de la Dame de Cœur.

Pour ma part, je me suis surtout attardé aux compagnies ontariennes, acadiennes et de l’Ouest canadien.

Hélène Beauchamp a très bien saisi le rôle de La Nouvelle Scène d’Ottawa (qui regroupe quatre compagnies franco-ontariennes). Elle note que La Nouvelle Scène est le haut lieu du théâtre francophone à Ottawa, un lieu privilégié de création artistique; elle précise que cette maison franco-culturelle constitue «un point de rencontre et de ralliement des communautés francophones et artistiques».

Pour ce qui est du Théâtre du Nouvel-Ontario (Sudbury), l’auteure a bien raison d’affirmer que la force de cette compagnie réside dans la création d’œuvres originales et que cette «démarche et processus (sont) soutenus par un conseil d’administration qui l’appuie, depuis plusieurs années, dans une continuité exemplaire».

En Acadie on retrouve deux théâtres de création. D’abord l’Escaouette (Moncton) qui est à l’image de ses artistes. «Il a les couleurs des arts visuels et de la poésie, de l’écriture et des conceptions scénographiques maîtrisées…»

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Ensuite le Théâtre populaire d’Acadie (Caraquet) qui est véritablement ancré dans la péninsule acadienne «dont il a l’intention de faire un lieu où les artistes auront envie de se rencontrer. Un lieu résolument dynamique, artistique et professionnel.»

C’est dans l’Ouest canadien qu’on retrouve la plus ancienne compagnie de théâtre toujours en existence au Canada, soit le Cercle Molière de Saint-Boniface (1925). «Toutes ces années de production, écrit Mme Beauchamp, l’ont fait évoluer dans le sens du théâtre de création, de la promotion de nouveaux auteurs, d’une dramaturgie actuelle et du théâtre comme art complet. Les spectateurs ont ainsi le plaisir de développer leur appréciation critique.»

À Edmonton et à Vancouver, les théâtres de création ont pignon sur rue grâce à des complexes plus larges qu’une simple salle de spectacle. L’UniThéâtre d’Edmonton loge dans la Cité francophone de la capitale albertaine.

Il travaille «à tisser des liens avec ses spectateurs et avec une communauté où pointent les différences entre la génération des pionniers et les nouveaux arrivants. Les apports de l’immigration internationale récente, notamment des pays d’Afrique, entraînent une diversification de plus en plus évidente de la culture française de l’Ouest.»

Quant au Théâtre la Seizième de Vancouver, il loge dans la Maison de la francophonie depuis 1990. Sa visibilité n’a pas toujours été évidente, mais à force de bûcher sur les chemins de l’écriture, notamment pour les publics adolescents, la Seizième a connu ses plus beaux succès.

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«Les prix Jessie obtenus dans la catégorie des Small Theatres en font foi ainsi que les nominations aux Masques de l’Académie québécoise du théâtre.»

-Hélène Beauchamp conclut son volumineux carnet de voyage en faisant un constat qui ne saurait étonner, compte tenu du vaste étendu qu’elle a couvert.

L’auteure souligne que les répertoires se différencient, que les façons de créer se singularisent, que les modes d’emploi et d’utilisation demeurent chaque fois particuliers. Le paysage canadien de la création théâtrale va en se complexifiant.

«Et puis, de nouvelles générations d’artistes créateurs viendront, qui mettront leurs intuitions à l’essai, parfois dans les petites salles des grands théâtres. Les historiens n’ont-ils pas noté que c’est le plus souvent dans de petits théâtres que naissent les grandes dramaturgies?»

Hélène Beauchamp, Les théâtres de création au Québec, en Acadie et au Canada français, essai, VLB Éditeur, Montréal, 2005, 488 pages, 34,95$.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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