Les conservateurs ontariens devraient respecter le choix de leurs élus

Le site web du Parti progressiste-conservateur de l'Ontario est en reconstruction depuis une semaine. On y trouve encore l'annonce de la décision de l'exécutif de l'ex-président d'organiser un congrès à la direction. L'accueil est encore unilingue mais des pages intérieures sont bilingues.
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Publié 30/01/2018 par François Bergeron

Si le Parti progressiste-conservateur était au pouvoir en Ontario, on parlerait de «coup d’État».

Il devient de plus en plus difficile de croire que les conseillers du chef de l’opposition officielle et ses députés ont immédiatement réclamé sa démission, le soir du 24 janvier, sur la foi des deux seules allégations d’«inconduite sexuelle» rapportées par CTV.

Tant chez ses adversaires que dans l’entourage de Patrick Brown, il fallait qu’on ait connaissance de gestes plus graves, plus fréquents, plus récents, plus symptomatiques d’une nature grossière – indigne d’un premier ministre et d’un leader dans n’importe quel domaine – que ces avances maladroites ou brusques faites à ces deux jeunes femmes il y a 5 et 10 ans.

Si ce n’est pas le cas, on a un examen de conscience à faire sur les limites du mouvement #moiaussi et les responsabilités des médias.

Patrick Brown taxait probablement depuis longtemps la patience de nombreux responsables du parti, entre autres avec les controverses et les poursuites judiciaires entourant certaines assemblées de nomination de candidats. Ils auraient saisi ce scandale pour le remplacer par une personnalité plus sympathique comme Vic Fideli, susceptible de les mener à la victoire le 7 juin, voire à une victoire encore plus impressionnante qu’avec Patrick Brown.

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Car les sondages favorables aux Progressistes-Conservateurs traduiraient davantage l’impopularité de la première ministre Kathleen Wynne – ou plus simplement une certaine lassitude après quinze ans de régime libéral – qu’un réel engouement des Ontariens pour Patrick Brown et ses «garanties aux gens».

À vrai dire, en dehors d’un cercle restreint de mordus de la politique, je n’arrive pas à trouver des amis et des connaissances qui s’intéressent au vaudeville qui se joue présentement à Queen’s Park. Certains se préparaient à voter libéral ou NPD comme ils l’ont toujours fait, d’autres à voter pour un changement ou pour l’alternance parce que ça ne peut pas nuire. Ils vont se brancher quelques jours avant de voter… sauf si quelque chose, une promesse mirobolante, une déclaration intempestive ou un geste spectaculaire, attire leur attention plus tôt.

Notre théorie du complot est renforcée par la démission, le 28 janvier, du président du Parti PC, Rick Dykstra, encore à cause d’une allégation (plus sérieuse) d’agression sexuelle commise il y a quatre ans à Ottawa. Dykstra, un allié de Patrick Brown, venait de convaincre l’exécutif d’organiser un congrès à la direction, au mépris de la préférence du caucus des députés pour Vic Fideli.

C’est pratique courante dans le parlementarisme britannique, notamment chez les conservateurs, que ce soient les élus au parlement et non tous les membres du parti qui choisissent le chef. Au Royaume-Uni et en Australie, par exemple, des premiers ministres en exercice ont été renversés par des cabales de députés inquiets pour leur réélection. Ce n’est pas antidémocratique: les élus locaux sont généralement plus proches des préoccupations de leurs électeurs que le chef et ses adjoints, et ce sont eux qui incarnent le pouvoir législatif.

Vic Fideli tente donc maintenant de convaincre l’exécutif de son parti de revenir sur sa décision (prise à 10 contre 5, dit-on) de tenir un congrès au leadership traditionnel à moins de trois mois des élections: il est prêt dès maintenant; il connaît tous les dossiers; on n’a qu’à changer la photo en couverture du programme… C’est le bon choix dans les circonstances.

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Un nouveau chef élu par les membres devra réunifier le caucus, remobiliser les militants, confirmer ou retravailler le programme, rassurer les groupes d’intérêts, convaincre la population que tout est rentré dans l’ordre et qu’il est prêt à gouverner. Avec Doug Ford dans la course, ce serait encore à la portée de Vic Fideli et de Christine Elliott, mais problématique pour tout autre candidat. Avec Doug Ford comme chef, ce serait impossible.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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