Les abus sexuels dans l’Église catholique

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Publié 26/04/2011 par Paul-François Sylvestre

Les graves problèmes qui minent actuellement l’Église catholique ne sont que les symptômes d’un système de gouvernance incapable d’articuler correctement message évangélique et service du monde, avec le résultat que l’ivresse du pouvoir ouvre les portes à toutes les formes d’abus, les abus sexuels au premier chef. Voilà ce qui se dégage d’une réflexion prophétique et éclairante de Mgr Geoffrey Robinson, auteur du Pouvoir déviant: les abus dans l’Église catholique.

Mgr Robinson est un acteur et un témoin bien informé car, après dix ans d’épiscopat à Sydney (Australie), ses collègues lui ont demandé de coordonner leur réaction aux révélations d’agressions sexuelles par le clergé australien. Pendant neuf ans, il a été à l’écoute des victimes. «Les histoires qu’ils m’ont racontées m’ont donné envie de vomir.»

Robinson a longuement réfléchi et il n’hésite pas à condamner son Église. Il n’est pas surpris que les autorités romaines et la Conférence des évêques australiens aient officiellement désapprouvé son constat sur les graves problèmes qui minent actuellement l’Église catholique.

Ces graves problèmes ne sont, à son avis, que les symptômes d’un système de gouvernance incapable d’articuler correctement message évangélique et service du monde.

Selon Robinson, le pape actuel considère les abus sexuels comme «un phénomène moderne attribuable à l’apparition récente d’éléments négatifs dans la société séculière». Si on neutralise ces éléments, les abus disparaîtront.

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Benoît XVI parle encore des abus «comme de péchés sexuels commis directement contre Dieu plutôt que comme un crime perpétré contre des mineurs innocents». Cela l’amène à proposer des remèdes traditionnels comme la prière et la pénitence.

Robinson note que le Vatican ne voit pas dans la culture catholique (enseignement, loi, pratique, attitude) des éléments qui auraient pu contribuer à l’existence des abus.
L’auteur nous apprend que pendant mille ans, l’Église a choisi de garder le secret, d’étouffer les problèmes et de préserver sa bonne réputation. La situation n’a pas changé sous Jean-Paul II et ne s’améliore guère sous Benoît XVI.

Robinson est persuadé que «si le pape avait parlé clairement dès l’apparition des premières révélations d’agressions sexuelles, s’il avait invité les victimes à se manifester pour que toute la lumière puisse être faite sur le sujet, […] et s’il avait enjoint à tous les membres de l’Église d’avoir une réaction d’ouverture, d’humilité, de franchise et de compassion, et de faire dans tous les cas passer l’accueil des victimes avant la bonne réputation de l’institution ecclésiale, la réponse globale de l’Église aurait été infiniment plus appropriée.»

Selon Robinson, les abus contre des enfants se produisent lorsque trois facteurs sont réunis: un état psychologique malsain, des idées malsaines au sujet du pouvoir et de la sexualité, et le fait pour une personne de vivre dans une communauté ou un milieu malsain.

Dans le passé pas si lointain, on a souvent présenté la vie spirituelle en termes négatifs: négation de soi, abaissement de soi, rejet du monde. «Cette négativité a certainement contaminé la façon de vivre la sexualité et contribué à l’apparition d’un univers malsain.»

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L’auteur poursuit en affirmant qu’«on pourrait être surpris et alarmé par le nombre élevé de ceux qui, tout en étant profondément engagés dans la vie sacerdotale ou religieuse, vivent l’état de célibat sans l’avoir désiré et intégré, et donc de manière malsaine.»

Il ajoute que, historiquement, la prêtrise a été considérée comme «l’idée d’être élevé au-dessus de la mêlée», avec pour conséquence qu’un prêtre ne pouvait pas être renvoyé comme pouvait l’être un autre travailleur. On déplace tout simplement le prêtre délinquant vers une nouvelle affectation, un traitement auquel n’aurait pas droit, par exemple, un professeur laïc dans une école catholique.

Dans le passé, note-t-il, on admettait des séminaristes à un âge trop précoce. Leur développement psychosexuel ne progressait souvent pas au-delà de l’âge d’environ quinze ans, ce qui explique que certains soient attirés par des mineurs.

À cela s’ajoute la notion que, pour certains prêtres délinquants, la règle du célibat ne concerne que les relations avec des femmes adultes. Ils prétendent avec le plus grand sérieux qu’ils n’ont pas enfreint leur vœu de célibat en agressant des mineurs.

Dans Le Pouvoir déviant, Geoffrey Robinson propose une vision d’Église où maturité, liberté et dialogue seraient la pierre angulaire d’une autorité ecclésiale crédible, d’un mode de gouvernance moderne et d’un véritable renouveau du discours, entre autres sur la morale sexuelle.

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Selon lui, il faut rechercher «toutes les causes qui jouent un rôle actif dans la multiplication des abus, en allant jusqu’au bout du raisonnement, où que cela nous mène, même si cela devait remettre en cause des enseignements ou des lois de l’Église hérités du passé.»

Mgr Geoffrey Robinson, Le Pouvoir déviant: les abus dans l’Église catholique, essai, Montréal, Éditions Novalis, 2010, 352 pages, 39,95 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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