Les 100 ans de la disparition de l’écrivain Tolstoï

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Publié 09/11/2010 par Gabriel Racle

Il y a 100 ans, le 7 novembre 1910 (calendrier julien), dans la petite gare d’Ostapovo, à quelque 350 km au sud de Moscou, s’éteignait ce géant de la littérature russe, le comte Lev Nikolaïevitch Tolstoï. Il s’était enfui de chez lui en pleine nuit, mais malade, il avait dû descendre du train dans cette gare au milieu des champs, où il décède après une agonie de huit jours, séparé volontairement de sa femme Sophie.

Et depuis plus de cent ans, Tolstoï fait partie des écrivains les plus célèbres et les plus lus du monde entier.

«Tolstoï, écrivait V.I. Lénine en 1910, a su poser dans ses écrits un si grand nombre d’immenses problèmes, il a su atteindre à une telle puissance artistique que ses œuvres se classent parmi les meilleures de la littérature mondiale».

Aborder Tolstoï

On pourrait allonger la liste des éloges, qui soulignent la place de Tolstoï dans le monde littéraire. Mais comment aborder un auteur si prolifique? Il est l’auteur d’une soixantaine de titres: essais, théâtre, nouvelles, romans, dont certains, comme Guerre et Paix, plus de 1600 pages, sont de belle taille. De plus, il s’agit de littérature russe et pour en saisir tout le sens, il importe d e se familiariser avec ses idées et son contexte.

Au sujet de la liberté, par exemple: «Tolstoï ne s’explique pas là-dessus, parce que tout Russe comprend d’emblée ce qu’il a voulu dire: «Ne nous vantez pas la liberté, à nous qui avons besoin d’être tenus, contenus, d’être resserrés, de nous sentir bridés, dirigés. La tempête de neige, où le voyageur s’égare est le symbole de notre condition.»

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Ou encore: «Tolstoï ne put s’empêcher, au fur et à mesure qu’il avançait dans Guerre et Paix, d’intervenir avec ses idées personnelles (des idées russes, particulièrement incomestibles pour un Occidental)».

Avec Tolstoï

Et c’est cette aide indispensable pour faire ou refaire connaissance avec Tolstoï qu’apporte le livre de Dominique Fernandez, avec Tolstoï, Paris, Grasset, 2010, 332 p., d’où proviennent les deux citations qui précèdent.

L’auteur n’aborde pas Tolstoï de front. Il peint de petits tableaux qui situent Tolstoï dans son milieu proche, dans son époque, dans son type de littérature, faisant découvrir certains aspects de cet auteur, qui sans lasser le lecteur donnent une vue d’ensemble sur l’écrivain.

Voici quelques exemples: Sans répit, la quête, Muse et Contre-muse, Dostoïevski et Tolstoï, Un rire, un regard, L’œil, Petit guide pour la lecture de Guerre et Paix, Subversion, etc.

Cette façon de procéder permet au lecteur de se familiariser avec Tolstoï par petites étapes. Certains chapitres n’ont que quelques pages, mais des pages essentielles, comme L’œil. «Tolstoï est un œil. Un œil qui regarde autour de lui…Son œuvre est une description du monde, du monde matériel et du monde moral.»

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Quatre périodes

Tolstoï a divisé sa vie en quatre périodes dans Souvenir, nous dit Fernandez. Son enfance jusqu’à 14 ans, une période «poétique, merveilleuse, innocente, radieuse».

Il était né le 28 août 1828 (calendrier julien, en vigueur en Russie jusqu’en 1918), dans une famille aisée, mais il perd ses parents très tôt. Il en parle dans Enfance, Adolescence, Jeunesse. Suivent «vingt années horribles, périodes de grossier libertinage, au service de l’ambition, de la vanité et surtout du vice». Il s’adonne au jeu, à l’alcool, aux filles, il s’engage dans l’armée, participe aux guerres du Caucase (Les Cosaques) et de Crimée (Récits de Sébastopol). Mais il prend la guerre en horreur, dénonce sa barbarie.

C’est ensuite une période «morale». Une vie de famille honnête, dans le domaine où il est né. Ses intérêts: sa famille, sa fortune, sa gloire littéraire. Il rédige Guerre et Paix (1837-1877) et Anna Karénine (1873-1877); il enseigne aux enfants pauvres du village.

C’est un pédagogue d’avant-garde: «Agir sur cette classe de la population simple, réceptive et innocente, la délivrer de la pauvreté, lui procurer le bien-être social et l’éducation dont, par bonheur, je bénéficie, corriger ses vices nés de l’ignorance et de la superstition, développer son sens moral et l’amener à aimer ce qui est bon … quel avenir radieux!».(La matinée d’un propriétaire)

Finalement, c’est «une naissance spirituelle», une transformation qui le fait condamner art, littérature, mariage, église orthodoxe (il sera excommunié), préconiser chasteté, non-violence, non-résistance, retour à un christianisme sans institutions, se lancer dans des prédications et exhortations spirituelles. Il écrit des textes moralisants: Résurrection, Le Père Serge, Maître et Serviteur, La Sonate à Kreutzer, et cependant deux œuvres littéraires, La Mort d’Ivan Illich et Hadji Mourat.

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En résumé

«Quatre périodes… qui se résument en deux, si on considère la fracture médiane: jusqu’à cinquante ans, Tolstoï mène une carrière littéraire et acquiert une gloire d’écrivain. Après cinquante ans… il prend congé de la littérature et se consacre au salut de son âne.»

Ainsi, D. Fernandez, dans un superbe livre, nous fait découvrir un Tolstoï impressionnant et humain.

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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