Le port du niqab et le droit à la liberté de religion

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Publié 08/03/2011 par Gérard Lévesque

Le niqab est un voile qui couvre tout le visage de la personne qui le porte, sauf les yeux. Doit-il être retiré lors d’un témoignage dans une procédure judiciaire?

Dans l’affaire R. c. N.S., 2010 ONCA 670, la Cour d’appel de l’Ontario a récemment eu à se prononcer au sujet d’une situation mettant en opposition le droit à la liberté de religion et le droit d’un accusé de contre-interroger les témoins de la Couronne lors d’une enquête préliminaire.

Ce dernier droit constitue une partie du droit de l’accusé à présenter une défense pleine et entière. Les faits sont les suivants: l’oncle et le cousin de S sont accusés d’infractions sexuelles. (Dans ce dossier, pour protéger la victime, les parties ne peuvent pas être identifiées par les médias.)

Lors de l’enquête préliminaire, les deux accusés demandent une ordonnance obligeant S, qui est musulmane, à retirer son niqab durant son témoignage. Selon le plus haut tribunal de la province, le juge présidant l’enquête préliminaire a omis d’étudier adéquatement la prétention de S que ses croyances religieuses lui dictaient de porter le niqab durant son témoignage.

Le juge a aussi omis d’accéder à la requête de la Couronne visant à accorder à S l’occasion de consulter un avocat avant d’être questionnée sur ses croyances religieuses. Dans ces circonstances, l’ordonnance obligeant S à retirer son niqab durant son témoignage constitue une erreur de droit. Dorénavant, lorsqu’un juge est requis de déterminer si un témoin peut porter le niqab durant son témoignage, il doit suivre les principes suivants énoncés par la Cour d’appel. Un témoin désireux de se conformer à une pratique religieuse doit démontrer que cette pratique se situe à l’intérieur de l’étendue du droit à la liberté religieuse.

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Si le juge est convaincu que le témoin a mis de l’avant une demande d’un droit religieux valide, le juge doit alors déterminer jusqu’à quel point le port du niqab pourrait interférer avec l’aptitude de l’accusé à contre-interroger le témoin. Si le juge estime qu’autoriser le témoin à porter le niqab n’interférera pas avec le contre-interrogatoire, ou aura une interférence minime, le droit de l’accusé à présenter une défense pleine et entière ne sera pas compromis. Si, toutefois, la défense allègue que le port du niqab nuit autrement au contre-interrogatoire, c’est à la défense d’en faire la démonstration.

Si le juge est convaincu qu’à la fois le droit du témoin à la liberté religieuse et le droit de l’accusé à présenter une défense pleine et entière sont suffisamment compromis, le juge doit alors tenter de réconcilier ces deux droits en leur donnant effet.

Si le juge conclut que le port du niqab par le témoin pourrait nuire d’une façon significative au contre-interrogatoire du témoin et pourrait résulter en un déni du droit de l’accusé à présenter une défense pleine et entière, alors ce droit doit prévaloir sur le droit du témoin à la liberté de religion: le témoin se verra ordonner de retirer son niqab.

Pour plus de renseignements:

(1) Résumé de cet arrêt diffusé par l’Institut Joseph-Dubuc : www.ustboniface.mb.ca/cusb/ijd/resumN/NS.pdf

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(2) Texte de la décision de la Cour d’appel de l’Ontario :
www.canlii.org/en/on/onca/doc/2010/2010onca670/2010onca670.html

(3) Texte de la décision de la Cour supérieure de justice de l’Ontario :
www.canlii.org/en/on/onsc/doc/2009/2009canlii21203/2009canlii21203.html

Auteur

  • Gérard Lévesque

    Avocat et notaire depuis 1988, ex-directeur général de l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario. Souvent impliqué dans des causes portant sur les droits linguistiques. Correspondant de l-express.ca, votre destination pour profiter au maximum de Toronto.

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