Le monde à l’envers: la ministre rappelle le commissaire à ses devoirs

Jugement limitant la portée de la Loi sur les langues officielles

Sommet OIF
La délégation des communautés de la francophonie canadienne au récent Sommet d’Erevan accueillie par la ministre fédérale Mélanie Joly (au centre) : (de g. à d.) Carol Jolin (Assemblée de la francophonie de l’Ontario), Lily Crist (Alliance des femmes), Jean Johnson (Fédération des communautés francophones et acadienne), Lynn Brouillette (Association des collèges et des universités), Sue Duguay (Fédération de la jeunesse) et Louise Imbeault (Société nationale de l’Acadie). (Photo: gouvernement du Canada).
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Publié 05/11/2018 par Jean-Pierre Dubé

Dans la controverse entourant la décision du commissaire aux langues officielles Raymond Théberge de se conformer à un jugement limitant la portée de la Loi sur les langues officielles, la ministre Mélanie Joly aurait incité ses collègues du Cabinet à maintenir «une interprétation large et libérale – comme le dit la Cour suprême» d’une partie de la Loi.

«Comme la ministre l’a dit en comité parlementaire [le 1er novembre], c’est une cause présentement devant les tribunaux et nous devons respecter leur indépendance», explique l’attaché de presse Jeremy Ghio. La ministre serait toutefois préoccupée par l’incidence du jugement.

Jugement porté en appel

En mai, un juge de la Cour fédérale a constaté une carence dans la règlementation visant l’appareil fédéral, citant «l’obligation d’adopter des mesures positives pour appuyer le développement des minorités de langue officielle».

Le commissaire aux langues officielles a choisi de se conformer à cette décision, malgré qu’elle soit portée en appel. Il affirme ne pas avoir le choix. «Pendant que l’appel est en cours, notre interprétation s’aligne avec la décision.»

Le 3 octobre, Raymond Théberge a publié une déclaration pour expliquer comment le jugement avait «une incidence considérable sur l’interprétation» des obligations du fédéral. Dans le dossier Ottawa-Netflix, il conclut donc que «les plaintes contre Patrimoine canadien sont non fondées».

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Raymond Théberge, commissaire aux langues officielles du Canada, au récent congrès de l’AFO à Richmond Hill.

Positions restrictives

Cette déclaration a été dénoncée par la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada dans un blogue publié le 15 octobre. L’organisme s’étonnait d’apprendre, cinq mois après le jugement, «que le commissaire a revu sa façon d’enquêter sur les plaintes».

Raymond Théberge avait d’autres choix, soutient l’avocate des droits de la personne Anne Lévesque. «Le rôle d’un commissaire est d’abord celui de chien de garde. Il doit promouvoir les droits et éviter de prendre des positions restrictives sur leur portée.»

Le commissaire aurait pu «limiter l’application du jugement à la cause en instance», estime l’avocate d’Ottawa, et l’exclure pour toute autre situation qui se présenterait.

Suspendre les autres plaintes

«En attendant la décision en appel, il aurait pu décider de mettre en suspens d’autres plaintes sur cette question, comme l’a fait dans le passé la Commission des droits de la personne. Au minimum, tel que le demande la FCFA, il aurait dû aviser les plaignants du changement de politique.»

Anne Lévesque conclut que le commissaire devait avertir le public par souci de transparence. «Des gens ont vu leur plainte rejetée sans savoir que le commissaire avait adopté une interprétation à la lettre.»

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L’avocate Anne Lévesque

Interprétation large et libérale

La FCFA avait demandé à Mélanie Joly d’émettre une directive adressée à «l’ensemble de l’appareil fédéral pour dire clairement que le gouvernement continue à s’attendre au plein respect des obligations de la partie VII».

Au Parlement, la ministre a fait état d’une récente rencontre avec Raymond Théberge. «Je l’ai encouragé à garder une interprétation large et libérale de son mandat. Il va de soi qu’en ayant un commissaire proactif, on s’assure de protéger les droits linguistiques.»

Dans la contestation de la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique (FFCB) contre Emploi et Développement social Canada, le juge avait déclaré que la portée de l’obligation, imposée par Ottawa depuis 2005, était minée par une absence de règlements.

La situation reviendrait à la normale pour le commissaire Théberge si la Cour fédérale d’appel donnait raison à la FFCB. Il est intervenant dans cette cause dont l’aboutissement est attendu en 2019.

Auteur

  • Jean-Pierre Dubé

    Journaliste à Francopresse, le média d’information numérique au service des identités multiples de la francophonie canadienne, qui gère son propre réseau de journalistes et travaille de concert avec le réseau de l'Association de la presse francophone.

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