Le café en capsules pas plus cancérigène

Les concentrations de furane bien en dessous du seuil de nocivité

Les concentrations de furane bien en dessous du seuil de nocivité
Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 29/11/2017 par Isabelle Burgun

Le café infusé à partir de capsules, ou dosettes, augmenterait le risque de cancer, selon une étude espagnole publiée en 2011 et relayée par de nombreux médias, incluant des médias de science et des sites de santé alternative.

L’étude soutient que le café préparé à partir de capsules serait plus concentré en furane, un composé chimique organique, volatil et incolore, qui apparaît lorsqu’on traite des aliments par la chaleur. Et comme le furane est classé potentiellement cancérigène par l’Organisation mondiale de la santé, rapidement le lien entre le café en capsules et le cancer a été publicisé…

Ces chercheurs soutiennent que ce café contiendrait deux fois plus de furane (de 43 à 146 nanogrammes par millilitre) que le café filtre (de 20 à 78 nanogrammes par millilitre).

L’étude espagnole mentionnait aussi la présence d’acrylamide, une molécule produite lors de la cuisson à haute température de certains aliments — frites, croustilles, biscuits, céréales, produits pour bébé et café — et qu’on connaît encore mal. Mais c’est le furane qui semble concentrer les inquiétudes.

Un arôme naturel

Il ne faut pas perdre de vue que le furane est déjà naturellement présent dans le café. «Les arômes, comme le furane, sont déjà présents dans la poudre de café et dans les grains en raison de la torréfaction», explique Hassan Sabik, chimiste au Centre de recherche et de développement sur les aliments de Saint-Hyacinthe, chez Agriculture et Agroalimentaire Canada. «Cependant, quand on change la manière de préparer le café, on change aussi sa composition.»

Publicité

Entre les 1000 composés chimiques présents dans le café, un accord complexe se crée. «Lors de la torréfaction, les composés du grain de café vont se combiner et se transformer. Certains disparaissent rapidement dans l’eau, et les arômes apparaissent. C’est à ce moment qu’apparaît le furane», explique Hassan Sabik.

La composition des arômes (et par extension, de la concentration en furane) varie selon la provenance, la maturité, la culture du grain et la préparation du café. «Plus l’eau est chaude, plus il y a solubilisation et extraction d’un plus grand nombre d’arômes», souligne le chimiste.

20 tasses par jour

Les chercheurs espagnols émettent comme hypothèse que le plus haut taux de furane dans le café en capsules viendrait d’un manque d’évaporation. D’un autre côté, comme ils le précisent eux-mêmes, pour que le furane soit nocif, il faudrait consommer 20 tasses de café quotidiennement.

L’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA) avait détecté en 2004 de faibles concentrations de furane dans de grandes variétés d’aliments, comme les soupes, les aliments préparés pour bébé, et le café. L’organisme soulignait toutefois que le consommateur ne devait pas lire le niveau de furane dans l’aliment comme un indicateur d’exposition ou un risque pour la consommation: ce niveau varie selon les lots, les unités et le mode de préparation.

Ce rapport de la FDA avait conduit la Direction des aliments de Santé Canada à procéder à des analyses, dont l’une publiée en 2016, porte plus spécifiquement sur la présence de furane dans le café.

Publicité

Il en ressort que les teneurs en furane dans le café infusé provenant de capsules sont similaires à celles présentes dans le café infusé par pression ou par filtre. Si, dans les échantillons achetés dans le commerce, les chercheurs remarquent un taux plus important de furane dans l’expresso que dans le café filtre ou le décaféiné, leurs échantillons reconstitués en laboratoire montrent une perte de 27 à 85% de la concentration de furane. Cette grande variabilité, selon eux, pourrait provenir des conditions d’entreposage.

La dose fait le poison

Plusieurs autres facteurs peuvent faire varier le taux de furane, comme le type de grains et le temps écoulé entre la préparation et la consommation du café. Le furane étant très volatil, il commence à s’évaporer dès que le café est infusé, ce qui réduit les teneurs auxquelles le consommateur est exposé.

«On ne s’attend pas à ce que le café provenant de capsules (dosettes) augmente les risques à la santé», assure Gary Scott Holub, des relations avec les médias de Santé Canada.

Des études sur des animaux ont aussi établi que le furane peut être toxique pour le foie et possiblement cancérigène. Par exemple, chez la souris, une dose de 2 mg par kg de poids par jour provoque des tumeurs. Ce qu’on ne peut toutefois appliquer à l’humain: il faudrait ingérer 150 mg de furane pour un adulte de 75 kg, alors que les chercheurs espagnols parlaient de nanogrammes.

Pour Normand Voyer, chimiste et professeur titulaire au Département de chimie de l’Université Laval, il n’y aurait pas lieu de s’inquiéter, car les quantités sont trop petites pour nous nuire. «Un grain de café contient au maximum six microgrammes de furane, il faudrait donc boire beaucoup de café pour atteindre une dose toxique.»

Publicité

Et l’emballage?

Et qu’en est-il de l’emballage de la capsule? Santé Canada rappelle qu’au Canada, tous les matériaux utilisés pour emballer des aliments sont contrôlés en vertu du Règlement sur les aliments et drogues, qui interdit la vente d’un aliment dont l’emballage peut transmettre à son contenu une substance pouvant être nuisible à la santé du consommateur.

Mais la responsabilité incombe au vendeur d’aliments de s’assurer que les matériaux en contact avec les aliments sont conformes au règlement. C’est seulement sur demande que Santé Canada effectue des évaluations de matériaux d’emballage.

Santé Canada n’a jamais eu à faire de telles enquêtes sur les capsules. «Cependant, si un souci de santé potentiel était identifié, des mesures appropriées seraient prises pour régler le problème», assure Gary Scott Holub, de Santé Canada.

Prendre une bonne tasse de café infusé à partir de capsules n’augmente donc pas le risque de développer le cancer à cause du furane. La torréfaction et la méthode d’infusion peuvent changer les concentrations de furane, mais les laissent bien en dessous du seuil de nocivité — et par conséquent des seuils où on calcule un risque accru de cancer. À noter qu’il est aussi possible de réduire la concentration de ce composé en ajustant la température de l’eau ou en laissant seulement le café reposer.

Auteur

  • Isabelle Burgun

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur