L’Âge des ténèbres, de Denys Arcand: délicieusement troublant

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Publié 19/03/2008 par Yann Buxeda

À peine l’intense promotion effectuée pour la sortie des Invasions barbares, l’idée de L’Âge des ténèbres avait germée dans l’esprit de Denys Arcand. Le troisième épisode de sa trilogie, débuté en 1986 avec Le déclin de l’empire américain, clôt donc une touchante introspection au coeur de l’être humain menée de main de maître par le cinéaste québécois.

Son mariage est un désastre, sa paternité un rêve avorté et sa vie professionnelle une cinglante désillusion. À bientôt quarante ans, Jean Marc Leblanc (Marc Labrèche) désespère de trouver à sa vie un quelconque attrait.

Son bonheur, il le trouve dans les rêves qui ponctuent son quotidien. Un jour auteur à succès, le lendemain preux chevalier à la conquête de sa belle, ses projections oniriques lui permettent de s’échapper un instant de son triste quotidien fait de redondances. Une solution de renfort, tandis que s’écroule peu à peu son monde réel.

Présenté en clôture du festival de Cannes 2007, L’Âge des ténèbres avait suscité un certain scepticisme auprès de la critique. Jugé parfois lent, dénué de la même profondeur que ses prédécesseurs, il avait été présenté comme un bon film malheureusement décrédibilisé par l’attente dont il avait été l’objet.

Avec le recul, s’il est indéniable que L’Âge des ténèbres n’est pas le chef d’oeuvre que l’on aurait aimé voir poindre, la production de Denys Arcand reste une valeur sûre.

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Littéralement porté par la performance de Marc Labreche, L’Âge des ténèbres captive d’emblée son auditoire. Le comédien québécois, habitué du cinéma mais aussi du théâtre et des comédies musicales, surnage dans une composition pourtant loin d’être mauvaise.

Bouleversant de vulnérabilité malgré une certaine capacité de réaction, Jean-Marc renvoie son spectateur à sa propre perception des obstacles de la vie, à sa propre résignation.

Pour donner écho à sa prestation, Denys Arcand a décidé de confier le rôle de Sylvie, la femme de Jean-Marc à Sylvie Léonard. Un rôle taillé sur mesure pour la discrète mais talentueuse comédienne, qui enfile ici le costume d’une femme d’affaire en plein succès professionnel.

Stressée, constamment concentrée sur son travail, Sylvie affiche clairement son choix de mettre de côté sa vie privée, quitte à laisser au bord du chemin mari et enfants. Un personnage à la rigidité quasi-frustrante à l’oeil, qui contraste habilement avec le personnage plus spontané et moins calculateur de Jean-Marc.

Mention spéciale également à Caroline Néron, qui épouse les traits de la tyrannique supérieure de bureau de Jean-Marc. Une fois passé le stéréotype un peu lourd du petit chef odieux, on s’amuse des situations cocasses que la présence d’un tel personnage engendre.

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On appréciera également les apparitions de Diane Kruger et d’Emma de Caunes, dont les performances offrent une dimension sensuelle aux fantasmes de Jean-Marc. Les muses de notre rêveur rivalisent de charme tout au long du film.

Techniquement, Arcand n’a pas fait dans le surprenant. Il s’est entouré de la même équipe qui l’avait assisté au tournage des Invasions barbares, soit Guy Dufaux (directeur photo), Isabelle Dedieu (monteuse), Denise Robert (productrice) ou encore François Seguin (chef-décorateur).

Le tout est propre, bien léché, et l’on déplore peu de véritables temps morts. Les plans de caméra, s’ils ne brillent pas par leur audace, s’enchaînent et s’accordent.

Quant au fil du film, il se déroule selon un rythme établi, dont on pourra éventuellement déplorer la linéarité. Rien de catastrophique néanmoins, et il semble même que les coupes franches effectuées par l’équipe de montage après la diffusion à Cannes aient su redynamiser le tout.

Seule l’ambiance sonore a le mérite de véritablement se démarquer. L’orchestre fait montre d’une grande subtilité dans l’interprétation des musiques d’accompagnement qui offrent un cachet tout particulier à certaines scènes.

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Avec L’Âge des ténèbres, Denys Arcand livre une partition sans fausses notes, mais à laquelle il manque malheureusement ce petit grain de folie qui transforme les belles histoires en contes éternels.

L’Âge des ténèbres (Days of darkness), de Denys Arcand, en salle à Toronto à partir du 21 mai.

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