La Loi sur les langues officielles impose une obligation «positive et progressive»

Services d'aide à l'emploi dévolus du fédéral aux provinces

Une foire d'emploi.
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Publié 28/02/2019 par Gérard Lévesque

L’article 41 de la Loi sur les langues officielles (LLO), qui impose au gouvernement fédéral une obligation positive et progressive, et qui contient comme critère l’épanouissement des communautés de langues officielles en situation minoritaire (CLOSM), établit des principes et des paramètres que les tribunaux doivent appliquer.

C’est ce qu’on peut lire dans le mémoire des faits et du droit de la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique (FFCB), déposé le 19 février dernier en Cour d’appel fédérale.

Me Darius Bossé

Questions fondamentales

La démarche de la FFCB soulève deux questions fondamentales pour l’égalité réelle des langues officielles et l’avenir des CLOSM. Le gouvernement fédéral peut-il se soustraire à ses obligations en déchargeant la mise en œuvre de ses politiques aux provinces? L’article 41 de la LLO, pourtant modifié en 2005 précisément pour cette fin, impose-t-il des obligations concrètes aux institutions fédérales?

Rédigé par les avocats Darius Bossé, Jennifer Klinck, Mark Power et Perri Ravon, le mémoire vise à faire renverser la décision de la Cour fédérale dans le dossier Fédération des francophones de la Colombie-Britannique c. Canada (Emploi et Développement social), 2018 CF 530.

Le juge Denis Gascon avait conclu que les services d’aide à l’emploi de la Colombie-Britannique, qui mettent en œuvre la politique du gouvernement fédéral sous la Loi sur l’assurance-emploi, ne sont pas sujets à un contrôle en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés ou de la LLO.

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Dévolution de responsabilités

En 1997, le ministère de l’Emploi et du Développement social et la Commission de l’assurance-emploi du Canada signent un accord avec la Colombie-Britannique en vertu duquel ils conservent la responsabilité première pour les services d’aide à l’emploi.

avocate
Me Jennifer Klinck

La province exerce alors un rôle secondaire dans la conception et la gestion de ces services. Plusieurs organismes francophones reçoivent ainsi du financement pour offrir ces services à des clientèles de langue française.

En février 2008, l’Entente Canada–Colombie-Britannique sur le développement du marché du travail fait en sorte que la province assume désormais le rôle de premier plan dans l’élaboration et l’administration des prestations d’emploi et des mesures de soutien prévues par la législation fédérale.

Guichet unique régional

La Colombie-Britannique procède alors au développement d’un modèle à guichet unique, selon lequel un seul organisme régional offre tous les services d’aide à l’emploi, y compris les services en français.

En 2010, la province décide de ne pas renouveler le financement des organismes francophones offrant l’aide à l’emploi. Dès l’amorce de la transition vers le modèle à guichet unique, les organismes francophones d’aide à l’emploi ferment leur porte ou sont fragilisés. Les services d’aide à l’emploi en français se détériorent, ne sont pas souvent disponibles, ou ne sont pas de qualité réellement égale à ceux offerts en anglais.

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avocat
Me Mark Power

Suite au dépôt de plusieurs plaintes de la FFCB, le Commissaire aux langues officielles conclut, dans un rapport final d’enquête émis en avril 2013, que le ministère et la Commission ont enfreint la LLO. En août 2013, la FFCB dépose un recours en Cour fédérale.

Erreurs en première instance

Les juristes représentant la FFCB ont identifié plusieurs erreurs qu’aurait commises le juge de première instance. Il aurait erré en droit en concluant que le paragraphe 20(1) de la Charte et la Partie IV de la LLO ne s’appliquent pas aux prestations et mesures offertes en vertu de l’Entente.

Il se serait fondé erronément sur le partage des compétences pour écarter l’application de la Partie IV de la LLO et le paragraphe 20(1) de la Charte.

Il aurait erré en concluant que l’article 41 ne requiert pas des institutions fédérales une prise en compte effective et une incorporation des représentations faites par les CLOSM.

avocate
Me Perri Ravon

Il aurait erré en droit en concluant que le bien-fondé d’un recours en vertu de l’article 77 de la LLO doit être évalué uniquement en fonction des faits qui existent au moment du dépôt de la plainte.

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Enfin, il aurait erré en concluant que les mesures prises par le ministère et la Commission leur ont permis de décharger leurs obligations sous l’article 41 de la LLO.

Le Commissaire aux langues officielles en appelle aussi de la décision rendue le 23 mai 2018 par le juge Gascon.

Au cours des prochaines semaines, je vous présenterai un sommaire de son mémoire, ainsi que du mémoire des deux parties mises en cause: le ministère de l’Emploi et du développement social et la Commission de l’assurance-emploi du Canada. Je vous présenterai aussi le mémoire de l’intervenant, le Procureur général de la Colombie-Britannique.

Lorsque tous les mémoires auront été déposés, une date d’audience sera fixée, probablement à l’automne prochain.

Pas seulement en Colombie-Britannique

Ce dossier a des implications qui dépassent le territoire de la Colombie-Britannique. En effet, au moins une autre province a également enlevé à la communauté francophone la gestion des programmes d’aide à l’emploi. Il s’agit de l’Alberta, pour les services francophones d’aide à l’emploi à Calgary et à Fort McMurray.

drapeaux
Le drapeau de la Colombie-Britannique et celui des Franco-Colombiens.

Auteur

  • Gérard Lévesque

    Avocat et notaire depuis 1988, ex-directeur général de l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario. Souvent impliqué dans des causes portant sur les droits linguistiques. Correspondant de l-express.ca, votre destination pour profiter au maximum de Toronto.

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