La guerre des crottes

Médicament ou don d'organe?

Des centaines de millions de dollars, et peut-être des dizaines de milliers de vie, sont en jeu autour de vos… crottes. L’enjeu étant: qui aura le droit de se servir dans vos excréments.
Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 12/03/2019 par Agence Science-Presse

Des centaines de millions de dollars, et peut-être des dizaines de milliers de vie, sont en jeu autour de vos… crottes. L’enjeu étant: qui aura le droit de se servir dans vos excréments.

Le sujet a de quoi en dégoûter plus d’un, ce qui explique en partie qu’il ait du mal à décoller: on sait en effet depuis des années maintenant que des transplantations de matières fécales d’un donneur en bonne santé peuvent aider à reconstruire la flore bactérienne d’un malade.

Bactérie C. difficile

On pense à des malades dont ladite flore a été décimée par un traitement aux antibiotiques — ce qui permet à la bien connue bactérie C. difficile de prendre beaucoup trop de place.

Aux États-Unis, le Centre de contrôle des maladies (CDC) estime que 500 000 Américains sont victimes chaque année d’une infection à la C. difficile, que 29 000 en sont morts dans les 30 jours suivants, et que 15 000 de ces décès «sont directement attribuables» à la C. difficile.

Mais l’idée d’un traitement aux matières fécales se heurte à une autre difficulté que notre bon goût. Quel est leur statut légal?

Publicité

Médicament ou don d’organe?

Faut-il les classifier comme un médicament, ou comme un don d’organe? La réponse à cette question va déterminer quelles règlementations s’appliqueront — des tests jusqu’aux «greffes» — combien ça coûtera et qui pourra encaisser les profits.

Dès 2013, l’agence américaine des aliments et drogues (FDA) avait publié un «premier jet» d’une règlementation — en gros, une suggestion de lignes directrices pour l’industrie — qui définissait le traitement comme un médicament. Il était alors écrit que davantage d’études seraient nécessaires avant d’en arriver à des règles définitives. Selon un reportage du New York Times, cette décision serait à présent imminente.

Écosystème de microbes

Ce qui a changé depuis 2013, c’est notre connaissance du microbiome — l’écosystème de microbes qui vit en nous — et la prise de conscience qu’il s’agit d’une partie critique au bon fonctionnement de notre corps — ce qui le rapproche donc de la définition d’un organe.

C’est sur cela que s’appuient les défenseurs de l’idée que la transplantation de matières fécales soit assimilable à la transplantation d’organes.

Investisseurs privés

Dans le reportage du Times, ils craignent de voir la FDA favoriser les intérêts des compagnies pharmaceutiques. Déjà, trois d’entre elles ont recueilli des dizaines de millions de dollars d’investisseurs privés et ont formé une association pour défendre leurs intérêts.

Publicité

À l’inverse, l’idée de l’assimiler à un médicament peut permettre davantage d’efficacité dans la distribution du «produit» que le modèle du transfert de personne à personne.

Selon une estimation publiée en 2017 par la firme de consultants GlobalData, le marché pour des médicaments destinés à combattre la C. difficile pourrait atteindre les 1,7 milliard $ en 2026. Certes, tout cet argent n’irait pas dans les excréments, mais ça donne une idée du potentiel.

Auteur

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur