La Chine, championne de la pollution électronique

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 20/11/2007 par l-express.ca

GUIYU, Chine (AP) – Peu importe que les ouvriers misérables chargés de récupérer l’or et le cuivre des ordinateurs respirent des émanations toxiques, peu importe que le sol soit durablement pollué, quand le «recyclage» des ordinateurs fait la fortune de certains à Guiyu, dans le sud-est de la Chine, et que l’Europe ou les États-Unis peuvent ainsi se débarrasser de déchets encombrants.

Les écologistes et les médias ont beau souligner depuis cinq ans les dangers du «recyclage» sauvage des appareils électriques et électroniques, il suffit de se rendre dans cette ville considérée comme le coeur de l’activité pour voir que rien ne change et même que la situation empire car les déchets chinois s’ajoutent désormais aux importations.

Avec environ 5 millions de postes de télévision, 4 millions de réfrigérateurs, 5 millions de machines à laver, 10 millions de téléphones mobiles et 5 millions d’ordinateurs individuels, la Chine produit aujourd’hui plus d’un million de tonnes d’«e-déchets» par an, selon Jamie Choi, militant de Greenpeace Chine à Pékin.

Pour l’Occident, exporter les déchets vers des pays en développement revient jusqu’à dix fois moins cher que de respecter les règles du recyclage sur place, selon l’Agence américaine de l’environnement. Et en Chine, d’innombrables paysans sont prêts à risquer leur santé en ville pour gagner quelques yuans au service d’entrepreneurs sans vergogne.

Une infime part des appareils électroniques vendus dans les pays riches y sont retournés aux constructeurs pour un recyclage dans les règles. Plus de 90% finissent dans des décharges sauvages. Les bains d’acide et les énormes fourneaux rudimentaires utilisés pour récupérer l’or, l’argent et autres métaux précieux fonctionnent sans discontinuer tandis que les fumées toxiques et métaux lourds comme le plomb se mêlent au ciel, à la terre et à l’eau.

Publicité

Les experts s’accordent à estimer qu’environ 70% des 20 à 50 millions de tonnes d’e-déchets produits dans le monde chaque année finissent en Chine, le reste étant expédié principalement vers l’Inde et les pays africains pauvres.

Pékin a interdit ces importations et signé la Convention de Bâle sur les mouvements transfrontaliers et l’élimination des déchets dangereux, mais selon un exportateur américain cité par Ted Smith, expert à la Silicon Valley Toxics Coalition en Californie, un billet de 100 dollars dans chaque conteneur suffirait pour que les douanes chinoises regardent ailleurs. En outre, les contrevenants sont peu sanctionnés.

Quant à la Chine, elle autorise l’importation de déchets plastiques et métalliques, ce qui cache souvent des déchets électroniques. De leur côté, un nombre croissant de gouvernements régionaux aux États-Unis imposent la collecte et le recyclage des e-déchets dans des centres spécialisés mais ceux-ci peuvent ensuite les exporter légalement car Washington n’a pas ratifié la Convention de Bâle.

À Guiyu, l’industrie du recyclage sauvage emploie environ 150 000 personnes. Les conteneurs de pièces informatiques, vieux jeux vidéo, écrans d’ordinateur, téléphones mobiles et autres déchets électroniques sont vidés dans les rues pour le tri, le démantèlement et la récupération. Les ouvriers sont trop pauvres ou mal informés pour s’inquiéter pour leur santé.

À quelques kilomètres de Guiyu, à Nayang, un couple d’âge mûr trie des fils électriques à même le sol de terre battue d’une masure. Ils gagnent quelque 800 yuans par mois, selon le mari, qui a requis l’anonymat. Le même lieu sert souvent d’habitation et d’atelier.

Publicité

L’eau du fleuve Lianjiang n’est plus potable depuis longtemps. Elle charrie deux fois plus de plomb que ne l’autorisent les règles européennes, selon l’organisation écologique Basel Action Network. On continue néanmoins d’élever des poissons dans les étangs et les tas de déchets plastiques côtoient les sacs de riz.

Le mercure, la fluorine, le cobalt provoquent des problèmes respiratoires et de peau. La contamination est là pour des dizaines d’années, entraînant des effets à long terme sur les reins, le système nerveux et immunitaire et provoquant l’apparition de cancers.

Mais ce commerce rapporte gros, comme en témoignent dans le centre de Guiyu les voitures de luxe garées devant les grandes villas aux noms fantaisistes. La police locale surveille et interroge les visiteurs curieux et les autorités régionales, provinciales et nationales refusent de répondre aux questions.

Presque partout autour des grandes villes du pays apparaissent des décharges électroniques qui vendent ce qu’elles peuvent aux recycleurs généralement clandestins et entreposent le reste sans précautions. «Nous ne jouons pas jeu égal» avec les recycleurs clandestins, explique Gao Jian, haut responsable de la décharge légale New World Solid Waste à Qingdao, dans le Nord-Est. «Ces types paient mieux parce qu’ils n’ont pas besoin d’un équipement coûteux, mais leurs méthodes sont vraiment dangereuses.»

Auteur

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur