La cheminée du Père Noël

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Publié 22/12/2008 par Pierre Léon

On ne pense pas assez au Père Noël. Pourtant, tout en cheminant vers cette fichue cheminée, je me disais que sa grande grosse abracadabrante grotesque construction de brique et de broc devait disparaître de la Galerie d’art de l’Alliance française de Toronto. C’est vrai, elle obstruait le passage et parfois, quand vous vouliez vous faufiler malgré tout, elle se rapprochait, vous coinçant, un verre de vin à la main, entre elle et le mur, les soirs de réception. Vous savez, au moment où une autre main amicale vient justement secouer la vôtre – oui, celle qui tient fébrilement votre verre. En fait, il y avait plusieurs moyens d’éradiquer cette masse de briques. Mais, vous avez raison, on ne pense pas assez au Père Noël.

On a d’abord imaginé de demander à tous les écrivains et à leurs robustes confrères, qui fréquentent régulièrement l’Alliance, de venir faire une corvée de démolition tous les week-ends. Remporter chez soi, de temps en temps, un panier de briques historiques aurait dû être excitant. Mireille était prête à en remporter deux sacs. Mais il y a toujours des êtres fragiles parmi les intellectuel(le)s – sauf Marc qui avait apporté de la dynamite dans ses sacoches de vélo – mais ça aurait fait trop de bruit et on l’a branché sur ses éclairages. Et puis, il y avait encore des réticences au sujet du Père Noël.

Néanmoins, cette idée fixe d’obstacle sur un chemin de penseurs/penseuses, suivait son cours. Il suffirait sans doute d’utiliser un peu de magie. On a donc crié très fort, un soir de Halloween, tous ensemble: ABRACADABRIQUES! Mais nos voix n’étaient pas assez fortes pour faire éclater la brique. C’est là que les maçons démolisseurs sont apparus. Quelle Histoire!

Il avait fallu creuser, plus profond que le soubassement, en direction du Pacifique, un trou énorme. Quand ça a commencé à sentir le pétrole, Jean-Claude Duthion, le directeur, qui est écolo, a dit d’arrêter. Entre temps, la cheminée avait disparu, remplacée par un large trou dans le toit! Et c’est là qu’Il est apparu! Qui? Vous l’avez deviné! Le Père Noël!

On l’apercevait, à califourchon sur une étoile. C’est triste, un Père Noël sans cheminée. On voyait bien qu’il faisait une drôle de tête, le bonnet de travers, le regard fixé sur ce trou béant dans le toit de l’Alliance. Moi, je me sentais coupable. J’ai écrit plusieurs histoires sur lui, dans le passé: le Noël du Petit Chaperon rouge, les œufs de Pâques du Père Noël, le Noël du Petit Jésus… Je lui ai toujours donné le beau rôle, mais je voyais bien qu’il était embêté et m’en voulait à cause de ce tas de briques disparu, Il fallait faire quelque chose.

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Je suis vite allé à mon ordinateur et ai pianoté sur Internet: Père.Noë[email protected]. (Essayez, ça marche, souligné en bleu ciel!) Bon. Je me suis excusé, j’ai pris tous les torts sur moi, disant combien tout le monde était navré.

Trente secondes plus tard, j’avais la réponse: «Ne vous inquiétez pas. J’apporterai ma propre cheminée.»

Je me dis «il est fou»! Il doit bien avoir mon âge et je ne me vois pas trimballer, même au ciel, une cheminée de secours sur le dos, en plus de la hotte de jouets! Je réponds aussitôt: «Pas d’imprudence à votre âge!»

Et voilà sa réplique: «Pas de panique. Le petit me prête son âne et Saint Joseph.»

Je rétorque aussitôt: «Laissez tomber Saint Joseph. Il est nul. Mais amenez le gamin. On peut en avoir besoin pour un miracle. Amenez aussi Saint-Christophe.»

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Je connais bien Saint Christophe, c’est le patron des conducteurs automobiles. Mon père a eu, dans sa voiture, une plaque gravée à l’effigie du saint protecteur, avec ces mots: «Regarde Saint Christophe et va-t-en rassuré». Ça n’a pas marché pour mon père, mais ça devrait aller pour le père Noël si le petit Jésus les accompagne!

On imagine facilement la suite. Saint Christophe, à l’arrivée, vérifie les bougies du traîneau, donne du foin, à l’âne tandis que Jésus épate la galerie en faisant passer tout le monde à travers les murs. Le père Noël sort les cadeaux pour les élèves méritants de l’Alliance, et du champagne pour les fanas des jeudis littéraires.

Il a finalement laissé sa cheminée de secours près de l’âne et de Saint Christophe, sur la pelouse et, venu rejoindre tout le monde, se rend compte maintenant qu’il est plus facile de danser dans la galerie sans avoir à tourner autour d’une cheminée!

* Toute ressemblance avec une personne de connaissance ne peut être que fortuite.

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