Irlande, terre d’histoire et de légendes

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Publié 10/09/2013 par Aurélie Resch

Les nuages anthracite se sont immobilisés dans le ciel et le vent retient son souffle. Dans les sous-bois de Brigit’s Gardens, le temps semble arrêté. «Maman». Mon plus jeune fils se serre contre moi, peu rassuré. Un corbeau croasse et un souffle d’air fait frémir quelques feuilles autour de nous. «Ce sont les fées, tu crois? Ici, en terre irlandaise, les croyances sont très fortes et mythes et légendes peuplent le quotidien des insulaires.

Fées et lutins

Brigit, la déesse la plus connue de la mythologie celtique, veille sur ces grands jardins dans le conté de Galway. Elle est la mère nourricière et veille aux cycles des saisons et des floraisons qu’elle entretient avec son feu sacré pour nourrir et combler hommes et bêtes.

Dans l’alignement de petites collines, on peut la voir reposante de profil. Au creux de ses bras, des bois et des bosquets de fleurs sauvages, des étangs emplis de poissons malicieux.

Dans ses flancs, des pierres dressées vers le ciel dans une symétrie surprenante et des petits talus que l’on observe à distance respectueuse, car en leur sein, vivent les fées et les lutins.

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Ces êtres, malins et diaboliques, aiment se jouer des humains, les effrayer et les troubler, surtout si ceux-ci viennent à s’approcher de trop près.

Mon fils, qui jouait tout à l’heure sur le talus, se demande à présent si ces petits diables ne sont pas maintenant après lui dans cette forêt qui lui semble soudain bien sombre.

Une impression qui se dissipe aussitôt retrouvées la lumière et les petites huttes en bois accueillantes du jardin. En Irlande, ombre et lumière se côtoient et dans leurs reflets s’anime le folklore celte.

Dans les pubs et les maisonnées, les croyances s’entretiennent. Chez l’habitant où nous avons été invités à manger, on écoute mon fils avec la plus grande attention lorsqu’il parle de son impression d’être suivi dans les bois de Brigit’s Gardens.

On lui répond sans sourire qu’il ne faut pas troubler les esprits. On lui parle des Leprechauns, petits lutins habillés de vert qui veillent sur le trésor des fées, qui aiment jouer des tours aux humains.

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Certains sont innocents, d’autres plus malins. On mentionne les arbres auxquels il ne faut pas toucher. Nous ouvrons grand nos oreilles.

A-t-on déjà entendu parler de la Banshee, dont le cri annonce la mort d’un proche?

Et des Changelings, esprits malins qui enlèvent les petits garçons pour les remplacer par des diables portant leur visage?

Au Brazen Head, le plus vieux pub de Dublin, une photo ancienne accrochée au mur montre des jeunes garçons vêtus de robes. Ainsi habillés, on espérait qu’ils échappent à l’emprise des fées.

Entre deux musiciens, une conteuse raconte comment le March Malaen, cheval démoniaque aux yeux de feu, sort parfois la nuit pour enlever sur son dos toute personne égarée ou ayant bu pour l’emporter loin et le perdre dans l’ombre. Mon fils me regarde…«Quelle heure est-il? Quand est-ce qu’on rentre?»

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Reines et chevaliers

Comme dans tous les contes, on aime trembler un peu et on aime vivre les exploits et le flamboyant des héros. Sur l’île de Clare, face à l’océan, on s’imprègne du courage et de l’audace de Grace O’Malley, la reine des pirates.

Jeune, elle n’hésite pas à couper sa belle chevelure et à se faire passer pour un homme pour braver l’autorité de ses parents et commander la flottille de son père. Mariée deux fois, mère de quatre enfants à 17 ans et redoutable négociante, elle commandera des armées contre l’ennemi, affrontera l’envahisseur et rencontrera d’égale à égale la reine Élisabeth à Londres pour lui proposer une alliance en échange de la libération de son frère et d’un des ses fils.

«I shall never be defeated nor on land nor at sea», aurait-elle dit, et la légende veut que jusqu’à ses soixante-treize ans, elle combattit l’ennemi et fit respecter son règne dans ses contés.

Tandis que mon fils joue dans les vestiges de son château surplombant le port, je me représente ses actes de bravoure sur les flots furieux battus par les vents.

Nul doute que Grace fut l’égal féminin du légendaire chevalier Cùchulainn dont la force surhumaine, la témérité et la faculté de changer d’apparence pour mieux tromper l’ennemi sont chantées à travers l’Irlande.

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Galvanisés par les exploits du héros, nous nous inventons nos aventures propres à cheval sur les falaises rocheuses ou sur les plages sablonneuses de l’île d’Akeele, dans les landes du Connemara et au coeur des bois du conté de Mayo. Autant de décors magiques pour nos péripéties folles, nourries des histoires entendues.

Le soir venu, quand le grand calme revient, nous scrutons les eaux du lac à Cashel dans le Connemara, cherchant la trace des enfants du roi Lear transformés en cygne par leur maléfique belle-mère et condamnés à errer pendant neuf cents ans sur les lacs et les mers d’Irlande.

Châteaux hantés et créatures des lacs

Le paysage étonnant de l’ouest irlandais et les nombreux châteaux qui l’agrémentent offrent un théâtre unique à l’imaginaire. Tourbières, landes brumeuses désertiques, lumière changeante et vieilles pierres facilitent les apparitions fantomatiques et les événements mystérieux.

Au bord des rivières, n’aperçoit-on pas parfois une créature plonger dans les eaux troubles en fin de journée? En Irlande, on dit qu’à trop scruter les profondeurs d’un lac on y perd son âme.

Le monstre du Loch Ness aurait-il de la parenté sur cette autre île de l’Atlantique?

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Dans les brumes matinales, alors que nous avançons prudemment sur les routes mouillées, nous surprenons des ombres traverser la route… Renards ou lutins malins? Ces yeux qui luisent à travers les nappes blanches…appartiennent-ils réellement aux milliers de moutons qui paissent ici? Dans les vieilles pierres des châteaux sur leur promontoire rocheux ou au bord de la mer, on attribue davantage la plainte qui se fraie un chemin à travers les meurtrières à quelques malheureux prisonniers enfermés dans un donjon qu’au vent qui s’engouffre dans les failles.

Parfois, dans les longs couloirs sombres qui relient une pièce à l’autre, mon fils me demande d’écouter le piano invisible qui joue ou de suivre cette ombre qui se perd au coin de la vieille cheminée à moitié délabrée. Tout ici invite à l’imagination.

À l’aventure. L’Histoire, d’abord, qui anime encore les vieilles pierres, le décor authentique dans un coin de terre sauvage ensuite. Abandonné ou reconverti en hôtel, le château et son environnement séduisent le visiteur.

Dans la forêt du magnifique Ashford Castle, nous revivons avec joie les tribulations des écuyers de l’époque en partant à la chasse avec un faucon. Posé sur notre bras ganté de cuir, le prédateur s’envole à intervalles réguliers pour repérer une proie et nous l’indiquer en regardant dans sa direction ou s’en emparer, puis revient se poser sur le gant pour une récompense.

Un autre de nos plaisirs est de goûter au confort raffiné d’un thé avec scones auprès de l’imposante cheminée en pierre du Ashford Castle. Parcourir le parc à cheval est une autre tentation.

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À Dublin, une nuit au Clontarf Castle nous permet de vivre dans de grandes pièces décorées d’armures et de trophées de chasse et de plonger dans le passé tumultueux des rois qui y habitèrent.

L’Irlande, vous l’aurez compris, multiplie les invitations à s’échapper dans un univers fantastique où tout est mystère, aventure et légende. On aurait tort de bouder ce plaisir.

Renseignements:

Où dormir?
Cashel House Hotel, dans le Connemara (un hôtel au charme fou dans un décor sublime): www.cashel-house-hotel.com

Où écouter des légendes autour d’un repas traditionnel?
Brazen Head à Dublin: www.brazenhead.com

Quelques activités

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Randonnée équestre, Akeel Island: www.calveysofachill.com

Promenade avec faucon, Ashford Castle: www.falconry.ie

Légendes celtes et musée interactif à Dublin: www.leprechaunmuseum.ie

Auteur

  • Aurélie Resch

    Chroniqueuse voyages. Écrivaine, journaliste, scénariste. Collabore à diverses revues culturelles. Réalise des documentaires pour des télévisions francophones. Anime des ateliers d’écriture dans les écoles, les salons du livre et les centres culturels.

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