Il y a traductions et traductions

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 17/07/2017 par Michèle Villegas-Kerlinger

Combien de fois avons-nous lu des étiquettes ou des affiches, des modes d’emploi ou des offres d’emploi si mal traduits en français qu’il est plus facile de les lire en anglais? Souvent, c’est le résultat d’une traduction littérale, ou mot à mot, de l’anglais vers le français.

Exemple: «Our plane takes off at 10:00» = «Notre avion décolle à 10h»

Ce procédé veut que les phrases se traduisent de la même manière dans les deux sens tel qu’illustré dans l’exemple. Dans certains cas, surtout pour des phrases simples, un tel procédé fonctionne très bien.

Mais lorsque la phrase est plus métaphorique, les choses se compliquent un peu. «George looked like the picture of health» ne se traduirait pas par «Georges regardait le tableau de santé», mais par «Georges respirait la santé» ou «Georges se portait comme un charme».

On voit souvent ce genre de faute chez les traducteurs improvisés et les élèves en immersion qui, à la recherche d’une expression en français, ont recours au service de traduction en ligne de Google ou se contentent du premier mot qu’ils trouvent dans le dictionnaire sans tenir aucun compte du contexte.

Publicité

Emprunt

Un autre procédé en traduction est l’emprunt, c’est-à-dire l’emprunt d’un mot tel quel d’une autre langue.

Des mots comme «focusser» , «live» ou le «timing» foisonnent dans la presse française pour le plus grand déplaisir des Français à Toronto comme Jean-Christophe Lamy, journaliste spécialisé, et Chantal Smieliauskas, ancienne traductrice et interprète à l’Assemblée législative de l’Ontario.

Mme Smieliauskas constate que les anglicismes pullulent dans de nombreux domaines, comme les sports et l’informatique. M. Lamy, de son côté, brosse un tableau encore plus sombre de la situation. Il déplore qu’«il suffit de lire n’importe quel article ou d’écouter n’importe quelle émission grand public pour être assailli d’anglicismes disgracieux».

Le journaliste a dressé une liste non exhaustive de ces anglicismes que nous ne saurions voir. Elle se trouve en fin d’article.

De tels anglicismes étaient omniprésents au Québec aussi avant la Révolution tranquille et les réformes linguistiques qui s’en sont suivies. La situation s’est beaucoup améliorée depuis cette époque même s’il reste encore bien du chemin à faire. L’Office de la langue française au Québec veille sur le bon usage de la langue chez nous et sert de référence au reste de la francophonie. Ses pouvoirs semblent plus étendus que ceux de l’Académie française en France.

Publicité

Calque

Le calque, d’expression ou de structure, est le troisième procédé utilisé en traduction. C’est une expression où chaque élément est traduit littéralement.

Un exemple d’un calque d’expression serait «Compliments de la saison» pour «Compliments of the Season» au lieu de «Meilleurs vœux». Il s’agit souvent d’expressions toutes faites qui correspondent à des situations précises.

Un calque de structure serait «Thérapie occupationnelle» pour «Occupational therapy» au lieu de «Ergothérapie». Les mots sont français, mais l’expression ne l’est pas. Les calques de ce genre, qui font abstraction des termes français qui existent déjà, ne sont pas français.

Transposition

Lorsque ces trois techniques, dites directes, ne donnent pas le résultat escompté, le traducteur doit recourir à des procédés obliques qui traduisent le sens de la phrase fidèlement, mais pas mot à mot.

La première de ces techniques s’appelle la transposition, soit facultative, soit obligatoire. Elle consiste à remplacer une partie du discours par un autre sans changer le message.

Publicité

Exemple (transposition facultative): «George announced that he would come back» = «Georges a annoncé son retour» au lieu de «Georges a annoncé qu’il reviendrait».

Les deux traductions sont bonnes, mais la première est transposée alors que la seconde est littérale.

Exemple (transposition obligatoire): «George smiled happily at Sophie»  ≠ «Georges a souri heureusement à Sophie». Ici, il vaudrait mieux dire «Georges, heureux, a souri à Sophie».

Le chassé-croisé est un cas particulier de transposition et consiste à traduire le 2e élément en premier.

Exemple: «George walked across the street» = «Georges a traversé la rue en marchant». Combien d’élèves traduisent cette phrase par «Georges a marché à travers la rue»?

Publicité

Modulation

La modulation est le deuxième procédé oblique. Le traducteur y a recours lorsque la traduction directe ou la transposition aboutissent à une traduction grammaticalement correcte, mais pas française.

Un exemple serait de traduire «The moment when…» par «Le moment quand…» au lieu de «Le moment où». Ou «Lost and found» par «Perdus et trouvés» au lieu de «Objets perdus». Ce sont des modulations obligatoires, figées par la fréquence de leur emploi et figurant dans le dictionnaire.

Une modulation facultative serait de traduire «It is not difficult to understand» par «Il est facile de comprendre». Comme ces expressions ne sont pas coulées dans le béton, elles sont à refaire chaque fois et sont plus ou moins réussies selon le talent du traducteur.

Équivalence

Le troisième procédé s’appelle l’équivalence. C’est souvent le cas des expressions figées, comme les proverbes, qui traduisent une même réalité, mais de deux façons différentes.

«To talk through one’s hat» n’est pas «parler à travers son chapeau», mais «parler à tort et à travers». «Forwarned is forearmed» n’est pas «homme prévenu, homme prémuni», mais «à bon entendeur, salut!».

Publicité

Adaptation

Le dernier procédé en traduction est l’adaptation.

Que fait le traducteur lorsque les différences culturelles entrent en jeu? Un exemple tout simple serait l’usage du système impérial dans les pays anglo-saxons là où le reste du monde se sert du système métrique.

Les «miles» deviennent alors des «kilomètres» et les «pounds», des «kilogrammes». Un autre exemple serait le «hand shake» américain et la bise française. Le petit déjeuner français est beaucoup moins copieux que le «breakfast» américain et il s’appelle «déjeuner» au Québec…

Ne s’improvise pas traducteur qui veut. Ce travail de moine exige un bilinguisme presque parfait et une très bonne connaissance des deux cultures en présence.

Ensuite, une formation universitaire de premier cycle qui offre des cours théoriques et pratiques et l’adhésion à l’Association des traducteurs et interprètes de l’Ontario sont de mise. C’est un peu plus compliqué que «Google traduction» ou un rapide coup d’œil dans un dictionnaire.

Publicité

Anglicismes notoires (parmi tant d’autres)

Liste établie par Jean-Christophe Lamy, journaliste spécialisé:

Emprunts

– newsletter (lettre ou bulletin d’information, circulaire, infolettre, etc.)

– people (célébrités, personnalités, personnes en vue, etc.)

– brainstorm (réflexion, remue-méninges)

Publicité

– casting (distribution des rôles – spécifique au cinéma, parfois utilisé au sens large)

– job (poste, emploi)

– buzz (battage médiatique)

– start-up (jeune pousse, jeune entreprise)

– business (entreprise, affaire, activité, secteur)

Publicité

– shopping (magasinage au Québec, faire des emplettes, des achats, etc.)

– brief (mise au point, réunion d’information)

– running (course à pied) (remplace de plus en plus footing)

– afterwork (prendre un pot après le travail)

– un after (une fête après la fête)

Publicité

– stretching (étirements)

– coach (entraîneur, conseiller)

– show (spectacle, représentation, etc.)

– pitch (présentation, argumentaire)

– top (génial, magnifique, superbe, excellent)

Publicité

– cool (sympa, agréable, plaisant)

Mots anglais francisés

– sérial killeur

– impacter (plutôt que l’impact d’une action, par exemple)

– checker

Publicité

– watcher

Calques (anglicismes) sémantiques

– adresser un problème (régler, résoudre, aborder, considérer, étudier, se pencher sur, s’attaquer à un problème)

– définitivement (absolument, incontestablement, sans aucun doute, certainement, à coup sûr) – digital (numérique)

– spéculer (supposer, déduire, supputer, émettre une hypothèse, s’interroger)

Publicité

Calques (anglicismes) syntaxiques

– que (dont)

Traduction à Glendon

La traduction en général vous intéresse? C’est l’une des spécialités du campus bilingue Glendon de l’Université York, à Toronto!

L’équipe de Glendon participe d’ailleurs chaque année aux «Jeux de la traduction», une compétition nationale. En 2019, c’est Glendon qui accueillait les jeux.

Au Canada, la demande reste forte pour les professionnels de la traduction.

Auteur

  • Michèle Villegas-Kerlinger

    Chroniqueuse sur la langue française et l'éducation à l-express.ca, Michèle Villegas-Kerlinger est professeure et traductrice. D'origine franco-américaine, elle est titulaire d'un BA en français avec une spécialisation en anthropologie et linguistique. Elle s'intéresse depuis longtemps à la Nouvelle-France et tient à préserver et à promouvoir la Francophonie en Amérique du Nord.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur