Gaétan Gervais et l’expérience historique de l’Ontario français

François-Olivier Dorais, Un historien dans la cité: Gaétan Gervais et l’Ontario français, essai, Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, coll. Amérique française, 2016, 268 pages. 39,95 $.
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Publié 30/01/2017 par Paul-François Sylvestre

Un des penseurs les plus influents de l’Ontario français a fait l’objet d’une «biographie intellectuelle» intitulée Un historien dans la cité: Gaétan Gervais et l’Ontario français. Cet essai de François-Olivier Dorais demeure un jalon majeur de l’historiographie de l’Ontario français, voire du Canada français.

Gaétan Gervais est né à Sudbury le 10 août 1944. Sa jeunesse laisse la trace du «destin menacé des siens et leur inscription dans la durée». Ses études de maîtrise et de doctorat à l’Université d’Ottawa confirment son intérêt pour «une approche plus scientifique d’appréhender le réel».

Sur le plan historiographique, Gaétan Gervais conjugue à la fois l’avers traditionaliste et le revers scientifique, deux facettes favorables à une étude de la condition canadienne-française.

Assez tôt dans son cheminement, l’historien sudburois soutient que «l’avenir des Franco-Ontariens passe par l’acquisition d’un pouvoir économique». Selon lui, la société franco-ontarienne «doit participer davantage à la société capitaliste nord-américaine et s’y tailler une place de choix».

L’auteur note clairement que le mouvement de la contre-culture des années 1970, si cher aux artistes du Nouvel-Ontario, «marche dans les sentiers battus de la tradition» et que les acteurs de cette mouvance se sont inscrits, «malgré eux, dans la logique du projet de société issu du Canada français».

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Pour Gervais, l’identité franco-ontarienne, tout comme l’identité québécoise, ne demeure rien de plus que le prolongement de l’identité canadienne-française, «elle-même le prolongement de l’identité française».

On sait que Gaétan Gervais a activement participé à la création du drapeau franco-ontarien (1975). L’historien n’y voyait pas la confirmation d’une nouvelle identité franco-ontarienne. Il s’agissait plutôt d’en «adapter les contours aux nouvelles réalités sociales et institutionnelles, sans pour autant tourner le dos à la mémoire du Canada français».

Le plus grand mérite de Gervais a été d’établir la recherche historique en milieu franco-ontarien sur de nouvelles assises et de lui donner un nouveau souffle. Cela est manifeste avec la fondation de l’Institut franco-ontarien, la publication de la Revue du Nouvel-Ontario et la collaboration avec l’Ontario Historical Society.

«En contribuant à la création d’institutions et au développement de programmes spécialisés dans ce domaine [histoire des Franco-Ontariens], il a concouru à l’automatisation d’un champ historiographique ancré dans la réalité de sa collectivité et, ce faisant, a été partie prenante d’un mouvement d’affirmation d’une référence identitaire propre à l’Ontario français.»

L’éducation postsecondaire en langue française a été un des principaux chevaux de bataille de Gaétan Gervais, notamment la revendication d’une université unilingue française. Selon lui, lorsqu’une minorité peut poursuivre des études supérieures dans sa langue, elle s’affiche et se développement pleinement «comme une minorité nationale, membre à part entière des deux peuples fondateurs».

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La recherche de François-Olivier Dorais examine en profondeur les positionnements épistémologique, idéologique et historiographique de Gaétan Gervais. L’auteur estime que l’historien sudburois «contribue à réactualiser une ambition nationale héritée du Canada français historique, en prenant acte de sa rupture politique (avec le Québec) et institutionnelle (avec l’Église).»

Gaétan Gervais est entré en scène au moment de «la brisure du grand Canada français». L’historien n’a pas cherché à intégrer l’Ontario français «dans l’espace socio-identitaire ontarien et canadien, mais plutôt dans la continuité de son expérience historique», à l’image des Québécois et des Acadiens. Se faisant, Gervais refusait de réduire la culture franco-ontarienne «à celle d’une minorité ethnique pour l’élever au rang de minorité nationale».

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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