FIVARS 2018 : la réalité virtuelle s’impose lentement

At Sea vous place en pleine mer sur un radeau.
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Publié 07/09/2018 par Zefred

Après cinq années d’existence, le Festival de Toronto des histoires en réalités virtuelle et augmentée a bien grandi.

Passé d’un petit événement artisanal, se fournissant en «expériences» au bouche-à-oreille et sur YouTube, à une belle machine internationalement reconnue, FIVARS se tiendra la fin de semaine du 14 au 16 septembre, dans un haut lieu des nuits torontoises tout récemment rénové et rouvert au public après plus de 10 ans d’absence: le célèbre Matador Ballroom à Dovercourt et College.

Si ce sont au moins deux bonnes raisons d’y rendre une visite, il y en a aussi bien d’autres d’après Keram Malicki-Sanchez, fondateur, directeur et programmeur principal du festival, qui demeure tout de même une entreprise artisanale bien loin du géant TIFF.

Keram Malicki-Sánchez

K. M-S. : «Ce n’est plus tant un festival pour Geek que ça l’était il y a cinq ans, quand trois passionnés se sont réunis pour faire découvrir les réalités virtuelle et augmentée au public, avec trois ordinateurs faits de bric et de broc, des casques rudimentaires, des technologies et une grammaire narrative balbutiantes.

Quand nous avons lancé le premier festival, je tenais absolument à ce que l’on évite le terme ‘festival de cinéma’ dans la publicité, car il était évident pour moi que le médium n’était ni comparable ni prêt à être comparé.

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Nous étions à la préhistoire, et en étions conscients, mais nous étions passionnés, et ces technologies à peine naissantes nous paraissaient suffisamment intéressantes pour être dévoilées publiquement. Nous espérions bien entendu que tout évoluerait vite: nous y croyions fort.

Maintenant que le public est plus habitué à ce genre de projets, d’expériences comme nous les appelons, et de manière de raconter des histoires, notamment grâce aux fonctions 360° des téléphones intelligents, j’ai moins d’hésitation à laisser les publicistes nous qualifier de festival de cinéma, car nous qualifier de festival de réalité virtuelle revient un peu à réduire le TIFF à un festival de projections.

Non, ce qui nous intéresse avant tout, comme le TIFF, ce sont les histoires, les perspectives et les émotions transmises. Nous avons dépassé le fétiche des photos de gens assis avec des casques de VR pour notre publicité (rires).

Aujourd’hui il y a énormément de contenu créé dans le monde entier, et même venant d’endroits assez inattendus: Inde, Afrique, Tunisie, Arabie Saoudite, de pays en voie de développement… C’est inouï et très intéressant, car toutes les cultures sont représentées, et les procédés narratifs diffèrent beaucoup.

Les technologies ont évolué: la résolution, le son spatialisé, l’assemblage (toujours appelé ‘stitching’), les accessoires haptiques, etc. Il n’y a quasiment plus de sentiment de ‘mal de mer’ par exemple, pourtant nous sommes encore loin de Ready Player One.

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Le plus important est que les auteurs ont fortement mûri dans le langage et la syntaxe émotionnelle utilisés pour conter leurs histoires.»

Pierre et Colombine

L’Express : En quoi se caractérise l’évolution des narrations?

K. M-S. : «On voit apparaître de nouveaux genres, qui existaient ailleurs, et sont adaptés à la réalité virtuelle, comme les bandes dessinées par exemple.

Nous en avons plusieurs exemples cette année, dont un d’horreur venu de Corée du Sud appelé Help me! et qui est visuellement époustouflant. On se retrouve dans une bande dessinée, avec les codes de la BD, les cadres statiques, les compositions, changements de couleurs et de cases, mais en immersion totale.

Portal, toujours d’horreur et produit en Espagne, interagi avec la réalité grâce à des accessoires haptiques qui multiplient les sensations.

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Ces expériences seront présentées dans une pièce que nous appelons ‘la cave de l’horreur’, décorée pour l’occasion afin de maximiser l’ambiance angoissante.

Certaines de ces expériences étaient même beaucoup trop ambitieuses ou avancées pour que nous puissions les présenter, malheureusement, mélangeant la réalité virtuelle avec de multiples interactions avec le monde réel, et des aspects de réalité augmentée, qui demanderaient beaucoup trop de logistique matérielle pour notre budget de petit festival.»

Second Date

L’Express : Y a-t-il un marché commercial pour ces expériences de nos jours?

K. M-S : «Pas encore, non. La plupart demeurent ‘expérimentales’ et existent grâce à des financements de recherche ou des passionnés. Seuls certains diffuseurs très ciblés ont commencé à explorer ce média, et surtout pour l’éducation.

Mais les grosses corporations sont très engagées et continuent d’investir, car elles voient d’infinies possibilités dans la réalité virtuelle, et les progrès effectués chaque année sont immenses.

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Nous sommes encore dans la situation de ‘l’oeuf et la poule’: nous attendons une adoption plus vaste des technologies par le public pour que les prix baissent, mais en même temps les gens de haut niveau sont toujours très impliqués.

Help Me

On oublie souvent combien ces technologies sont récentes, et combien tout reste à inventer, même du côté hygiène par exemple, puisque souvent on se prête les casques.

Parfois, des innovations sont créées par chance, sans vraiment s’en rendre compte, avec des idées nouvelles qui fonctionnent bien pour un projet, et qui s’avèrent ensuite fondamentales pour toute l’industrie.

Je pense à Contraverse, une petite compagnie de Toronto avec qui nous travaillons, et qui sera au festival pour présenter ses expériences, qui fait partie de ces innovateurs chanceux par exemple.

Ils ont développé un logiciel très performant pour jouer les expériences, originellement prévu juste pour leurs propres travaux, mais qui s’avère une petite merveille technologique. Il pourrait bien avoir un impact majeur dans l’administration des expériences en réseau, ainsi que des données provenant de celles-ci, comme les cartes d’émission de chaleur humaine par le corps par exemple.

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Celles-ci sont fondamentales pour la recherche sur les impacts de ces expériences en VR sur nos systèmes émotionnels et nos réactions.»

Ferris Room recrée la chambre du jeune Ferris Bueller.

L’Express : Quelles sont vos favorites parmi les expériences qui seront présentées?

K. M-S. : «Sans hésitation Le Logis, une pièce complètement hallucinante créée pour Grey Goose, la vodka française, ou nous suivons une troupe de danseurs très français évoluant dans une suite de tableaux mélangés entre le décor réel et l’image de synthèse, chorégraphiés et tournoyant sur une musique gaie et entraînante, le tout agrémenté de paysages à la Van Gogh et qui nous font visiter les différents sites d’origine des éléments nécessaires à la fabrication de la vodka.

On se retrouve au beau milieu d’un monde hybride entre Les Demoiselles de Rochefort et les films de Busby Berkeley, dont on ressort forcément très enjoué et avec un énorme sourire.

Il y a aussi Help me, dont nous avons parlé plus tôt, que j’adore pour son côté innovant et son style. Personne n’avait transposé l’univers des bandes dessinées comme cela avant. Les choix esthétiques et leurs impacts sont vraiment très intéressants.

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Humanity

J’aime aussi beaucoup At Sea, qui vous place en pleine mer, à côté d’un survivant de naufrage sur un radeau, et qui commence à vous demander de l’aider de diverses manières. Cette expérience, bien qu’elle ne soit pas un jeu, est très interactive, tout en racontant une histoire avec un parti pris surprenant.

Pour le côté anecdotique, j’ai adoré Ferris Room qui recrée la chambre de Ferris Bueller (du film Ferris Bueller’s Day Off de 1986, ndlr.) à l’identique et vous permet d’interagir avec le décor du film tout en écoutant les histoires de l’artiste canadienne Sarah Keenlyside qui raconte comment elle a pu retrouver tous les éléments présents dans la chambre lors de sa reconstitution pour le 30e anniversaire du film en 2016.

Il y a aussi des documentaires plus classiques et spectaculaires comme As It Is sur le grand Canyon, ou des études sociologiques comme Second Date, Wahi ou Filamu, et pour finir, bien sûr, les pièces à ambiance: horreur pour Help Me et Portal, ou l’histoire avec Humanity, du Torontois Daniel Everitt-Lock, sur la trêve de Noël 1914 pendant la Première Guerre mondiale.

En fait il y en a trop que j’aime pour pouvoir juste vous en donner trois ou quatre. Venez les voir toutes!» (rires)

Toutes les informations sur le festival : FIVARS 2018

Wahi

Auteur

  • Zefred

    Cinéaste, musicien et journaliste à mes heures, je suis franco canadien torontois, épicurien notoire et toujours prêt pour de nouvelles aventures.

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