Fausses nouvelles : déjà trop ou jamais assez de vérificateurs de faits?

«Tout le monde veut organiser son congrès»...

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Médias traditionnels, médias sociaux, moteurs de recherche veulent aider leurs usagers à distinguer entre faits et faussetés. Photo: iStock.com/DrAfter123
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Publié 02/07/2018 par Pascal Lapointe

Le mouvement international des médias vérificateurs de faits n’est pas la seule chose qui, dans le contexte de la crise des fausses nouvelles, a continué de grossir depuis l’an dernier.

«Ces jours-ci, on a l’impression que tout le monde veut organiser son congrès» sur la désinformation, ironisait récemment Alexios Mantzarlis, en ouvrant à Rome le cinquième congrès mondial Global Fact 5 (du 20 au 22 juin).

Rien qu’au Québec cette année, au moins deux rencontres sont consacrées à la lutte aux fausses nouvelles: l’une, organisée cette semaine par le Centre de recherche sur la communication et la santé de l’UQAM, et l’autre, organisée en novembre par la TÉLUQ.

Facebook et Google

Global Fact est pour sa part sous l’égide de l’International Fact-Checking Network (IFCN), une association soutenue par l’Institut Poynter, un centre américain d’enseignement et de recherche sur le journalisme.

C’est aussi l’IFCN qui, en 2016, a été approchée par Facebook et Google comme «tierce partie» pour déterminer qui serait autorisé à agir comme vérificateur indépendant lorsqu’une nouvelle douteuse apparaît sur votre fil.

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Le congrès rassemblait cette année 225 personnes — un record — la majorité représentant quelque 70 initiatives dans 55 pays.

Francophones

Comme l’an dernier, l’Agence Science-Presse (Détecteur de rumeurs) était le seul média canadien-français sur place, mais la présence francophone se faisait davantage entendre dans les salles, notamment avec des représentants du Monde (Les Décodeurs), de l’Agence France-Presse (Factuel) et de Libération (CheckNews).

Qui sont les autres? Pour deux «très gros» comme les Américains PolitiFact ou Snopes, qui employaient déjà l’an dernier de 10 à 15 personnes chacun, il y a beaucoup de petits médias: selon une enquête menée ce printemps par l’IFCN auprès de 42 de ses membres — tous signataires de son Code de principes — les deux tiers roulent sur un budget de moins de 100 000 $ par an, la majorité sont jeunes (dont 19 nés depuis 2015), tous sauf un sont numériques avant tout (le 42e est une émission de télé en Espagne, El Objetivo), et la plupart sont à but non lucratif (30).

Formaliser la vérification

Quant au mouvement, après avoir été à ses débuts un rassemblement plus ou moins formel de journalistes (surtout) et d’universitaires (un peu) partageant un intérêt pour la vérification des faits, il est entré récemment dans une nouvelle phase de son évolution: comment formaliser ce qu’est un site de vérification crédible?

En particulier dans le contexte actuel, où les grandes plateformes d’Internet ne veulent à aucun prix être réglementées comme «médias d’information» et réclament donc des intermédiaires qui se chargeront de distinguer le vrai du faux à leur place.

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Et pas seulement les plateformes, a rappelé le directeur de l’IFCN, Alexios Mantzarlis: «Au Brésil, en Italie, en Espagne et dans l’Union européenne, des vérificateurs de faits ont été appelés pour conseiller les décideurs sur les défis de la désinformation. À travers le monde, les vérifications de faits sont mises en valeur sur les principaux moteurs de recherche d’Internet. Dans 14 pays, ces vérificateurs ont le pouvoir de diminuer le poids des histoires fausses sur le plus grand réseau social.»

Faits vs opinions

Mais ces vérificateurs ne font pas l’unanimité. Une poignée de politiciens américains et européens ont questionné leur légitimité lors des audiences auxquelles a été confronté Mark Zuckerberg cette année.

C’est à cette fin que l’IFCN s’est dotée il y a 18 mois de ce Code de principes, et d’un comité chargé d’évaluer les groupes souhaitant être ajoutés à la liste des signataires.

«Les vérificateurs ne sont plus ce mouvement juvénile de réforme du journalisme, poussé par un vent de dos», a lancé Mantzarlis dans une envolée surprenamment lyrique. «Nous sommes des arbitres dans une guerre sans merci pour l’avenir d’Internet.»

Solutions politiques?

Ce n’est pas des législateurs qu’il faut attendre une solution à la crise des fausses nouvelles, poursuit-il, ni d’un Elon Musk qui rêve d’un système de «notation» populaire de la crédibilité des sources.

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Ça revient «aux organismes qui font cela depuis des années. Qui se soumettent d’eux-mêmes à des normes de précision et de transparence. Des organismes qui réalisent tout le trouble dans lequel nous sommes et les difficultés à en sortir.»

Auteur

  • Pascal Lapointe

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

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