Être banni de Facebook : tomber dans le néant?

Infowars
Alex Jones à la barre d'Infowars (Capture d'écran de son site web).
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Publié 16/08/2018 par Pascal Lapointe

Bannir un hurluberlu comme Alex Jones de Facebook le rend-il plus fort grâce à l’attention médiatique que cela lui apporte? C’est ce qu’on a pu entendre depuis une semaine, mais la recherche ne va pas dans ce sens.

S’il est exact que cela attire les projecteurs sur lui dans un premier temps, c’est plutôt un impact négatif qui risque de se faire sentir à plus long terme, une fois la poussière retombée.

Algorithmes et bulles

Il faut rappeler que si toutes sortes d’extrémistes et de complotistes comme Jones ont grandement profité d’Internet ces dernières années, c’est en bonne partie grâce à ces algorithmes qui font en sorte que plus on aime un contenu, plus Facebook ou YouTube nous en fourni et nous enferment dans une «bulle» de contenus similaires.

Cela faciliterait ainsi «l’agrégation» des extrémistes dans des coins sombres d’Internet, où ils peuvent n’écouter que ceux qui pensent comme eux. En conséquence, si on retire ce complotiste de la plateforme, il risque de perdre une grosse audience.

Facebook possède un pouvoir d’amplification.

Pouvoir d’amplification

«Généralement, la chute est assez significative», résume au magazine Motherboard Joan Donovan, du groupe de recherche Data & Society. «Ils n’obtiennent pas le même pouvoir d’amplification qu’ils avaient avant d’être retirés de ces grandes plateformes.»

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Alex Jones est cet animateur d’une émission appelée Infowars, très actif sur les réseaux sociaux, connu pour sa promotion de toutes sortes de nouvelles douteuses et de théories du complot — dont celle voulant que les parents d’enfants assassinés à l’école Sandy Hook, en 2012, soient des acteurs payés par le lobby anti-armes.

C’est cette affirmation qui est à l’origine de ses problèmes avec Facebook, et qui lui vaut d’être poursuivi en diffamation par les familles des victimes.

Rare… pour le moment

Il n’existe toutefois pas un gros corpus de données, prévient Motherboard : tout ce qui concerne les réseaux sociaux est, par définition, un domaine de recherche récent. De plus, les exemples d’individus populaires bannis par Facebook sont plutôt rares jusqu’à maintenant.

Mais les statistiques sur les façons par lesquelles les gens s’informent parlent par elles-mêmes: la majorité des Américains utilisent les réseaux sociaux tous les jours, et pour un grand nombre d’entre eux, il s’agit de leur première source d’information, celle qui forge ou renforce leurs attitudes et leurs valeurs.

Motherboard cite également une étude de l’Université Georgia Tech parue l’an dernier, qui concluait que la fermeture par Reddit, en 2015, de certains de ses sous-groupes aux discours les plus haineux, avait réduit la proportion de propos haineux sur l’ensemble de la plateforme.

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Médias sociaux alternatifs

Les pessimistes rétorquent déjà que, bannis sur Facebook, YouTube ou Spotify, ces extrémistes se regrouperont dans des coins plus sombres d’Internet, et s’enfermeront peut-être encore plus dans leurs bulles respectives.

Mais il leur sera difficile d’obtenir la même portée, du moins tant que ces coins sombres ne deviendront pas aussi omniscients et omniprésents que Facebook, et aussi efficaces pour la propagation des idées les plus choquantes et les plus farfelues.

Auteur

  • Pascal Lapointe

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

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