Élections municipales: pourquoi un tel désamour ?

Problème de l'abstention

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Publié 20/10/2018 par Lucas Pilleri

Les élections municipales sont de retour en cette fin octobre : l’Ontario, le Manitoba, la Colombie-Britannique, les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon s’apprêtent à élire leurs conseillers et leurs maires. Mais, comme à chaque fois, les taux d’abstention s’annoncent élevés. Des politologues et observateurs politiques expliquent pourquoi et soulignent l’importance du vote local.

Les taux de participation aux élections municipales dépassent rarement les 50 % au Canada. Dans certaines municipalités, les conseillers sont même élus par acclamation, faute de candidats.

Une situation regrettable quand on sait que le quotidien est en grande partie régi par la vie politique locale. Comment donc expliquer un tel désintérêt ?

Des urnes vides

Selon Linda Cardinal, professeure en études politiques à l’Université d’Ottawa, la politique municipale manque cruellement de professionnalisation.

Linda Cardinal.
La politologue Linda Cardinal.

Sans parti politique sur le plan local, sans financement d’envergure et sans débats de qualité, les campagnes sont limitées et amatrices.

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Mauvaise image

L’autre mal dont souffre la politique municipale, c’est son image. «Ce n’est pas que pour parler des ponts et des routes», ironise Linda Cardinal. Logements sociaux, services de garderie, environnement, transports en commun…

Ces enjeux sont au cœur de la vie politique locale. «C’est un niveau de gouvernement qui échappe aux citoyens alors qu’ils devraient être très engagés», juge la professeure.

En outre, les jeux de pouvoir qui s’exercent au sein des conseils municipaux «ne donnent pas une belle image de la politique municipale».

Manque de représentativité

Le manque de représentativité y serait aussi pour quelque chose d’après Aurélie Lacassagne, professeure en science politique à l’Université Laurentienne.

Dans le Grand Sudbury par exemple, on compte seulement 12 conseillers municipaux et un maire pour 150 000 habitants. «Seule 1 personne sur 6 ou 7 est directement impliquée et active dans la vie politique», regrette-t-elle.

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Découpage aléatoire des circonscriptions

Autre frein : le découpage aléatoire des circonscriptions, «dans le non-respect total des réalités historiques, des démographies et des identités», analyse l’experte.

Le quartier historique francophone de Sudbury notamment, le Moulin à fleurs, s’étale sur deux circonscriptions, diluant ainsi le poids des électeurs. Sans compter que les candidats ont du mal à se positionner.

Aurélie Lacassagne
La politologue Aurélie Lacassagne (Photo : Rachelle Bergeron).

Aurélie Lacassagne critique aussi un «système très individualisé». Sans liste ni projet politique commun, chaque élu défend les intérêts de son quartier et le conseil municipal est tiraillé dans ses prises de décision.

«Chacun essaie de tirer la couverture à soi. Il n’y a pas de vision d’ensemble pour faire avancer la municipalité dans sa globalité», dénonce-t-elle.

Un désintérêt dommageable

Les élections municipales sont pourtant cruciales. D’autant plus que «depuis une vingtaine d’années, avec la vague néo-libérale, les provinces se sont défaussées de beaucoup de leurs obligations aux municipalités», note Aurélie Lacassagne.

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Même son de cloche chez Frédérick Dion, directeur de l’Association francophone des municipalités du Nouveau-Brunswick (AFMNB), qui encourage les électeurs à s’approprier les élections : «C’est la première étape de l’engagement citoyen.»

Le scrutin est encore plus important pour les francophones qui veulent s’assurer de la présence de services bilingues. Si les données manquent sur le vote francophone, Linda Cardinal estime que «la politique locale peut être un lieu de pouvoir intéressant».

«Élections stratégiques»

Selon Frédérick Dion, «les élections municipales sont hautement stratégiques. C’est un levier de développement important.»

Frédérick Dion
Frédérick Dion, directeur général de l’AFMNB.

Au Nouveau-Brunswick, 30 % des habitants vivent en zone non incorporée et n’ont donc pas de gouvernement local, étant sous la tutelle du provincial. Cette situation pose un véritable défi démocratique pour le responsable :

«Un tiers des francophones de la province ne votent pas du tout. C’est très dommage, car ce sont des gens qui vivent à proximité de municipalités dont ils utilisent les services quotidiennement. Ils sont laissés pour compte, exclus de la démocratie municipale.»

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Palier le plus proche des citoyens, les élections municipales ont un impact direct sur les communautés. Alors que l’importance des élections ne fait pas de doute pour les spécialistes, le gouvernement Ford à Toronto veut réduire la taille du conseil municipal de 47 à 25 membres.

Affront à la démocratie ou souci d’efficacité, les électeurs ont une raison supplémentaire de se déplacer.

Auteur

  • Lucas Pilleri

    Journaliste à Francopresse, le média d’information numérique au service des identités multiples de la francophonie canadienne, qui gère son propre réseau de journalistes et travaille de concert avec le réseau de l'Association de la presse francophone.

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