Désormais à la retraite, Benoit XVI prie et écoute un peu de télé

Jours historiques pour l'Église catholique

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Publié 26/02/2013 par Nicole Winfield et Frances D'Emilio (The Associated Press)

à 08h58 HNE, 1er mars 2013.

VATICAN – Benoît XVI a profité des premières heures de sa retraite pour prier, écouter un peu de télévision et aller se balader.

Le secrétaire de Benoît XVI, monseigneur Georg Gaenswein, a rapporté au Vatican qu’après ses derniers adieux, jeudi soir, le «pape émérite» – son nouveau titre – a pris son diner, est allé se balader et a surveillé à la télévision la couverture de sa dernière journée à la tête de l’Église catholique.

Monseigneur Gaenswein ajoute que Benoît XVI a bien dormi, qu’il a célébré la messe comme cela est son habitude et qu’il a ensuite pris son petit-déjeuner.

Monseigneur Gaenswein indique que le pape émérite est détendu et qu’il a recommencé à jouer du piano au cours des derniers jours.

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Les cardinaux se rencontreront à compter de lundi pour discuter des défis qui attendent l’Église et déterminer de la date à laquelle débutera le conclave pendant lequel le successeur de Benoît XVI sera choisi.

Pendant ce temps, le Vatican traverse la période connue en latin sous le nom de «sede vacante» et qui désigne la transition entre deux papautés. Tous les responsables du Vatican ont perdu leur poste quand Benoît XVI est parti à la retraite à 20h, jeudi soir, à l’exception de quelques cardinaux dont les services sont jugés essentiels pendant cette période transitoire.

On retrouve parmi eux le cardinal Tarcisio Bertone, qui à titre de chamberland prend la direction quotidienne du Saint-Siège dès la fin de la papauté. Monseigneur Bertone est aussi le secrétaire d’État du Vatican et gère toute sa bureaucratie.

Le doyen du Collège des cardinaux, le cardinal Angelo Sodano, a convoqué tous les cardinaux à une première rencontre lundi matin, à 9h30. C’est lui qui, lors du conclave, demandera au candidat choisi s’il accepte de devenir pape.

Le Maître des cérémonies liturgiques, monseigneur Guido Marini, est responsable de l’aspect religieux du conclave et de l’organisation de la messe pendant laquelle le nouveau pape sera installé. Il agit comme témoin pendant le conclave, confirmant que le candidat choisi a accepté la papauté.

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Enfin, le protodiacre, le cardinal français Jean-Louis Tauran, aura la responsabilité d’annoncer au monde l’élection d’un nouveau pape. C’est lui qui se présentera au balcon qui surplombe la place Saint-Pierre pour lancer le célèbre «Habemus Papam!». Il présentera ensuite le nouveau pape, en latin, et dévoilera le nom qu’il a portera.

Portes fermées

Jeudi, Benoît XVI est devenu le premier pape en 600 ans à renoncer à ses fonctions, pour des raisons de santé, mettant fin à un pontificat de huit ans.

Dans un geste symbolique, les gardes suisses déployés devant la résidence d’été du pape à Castel Gandolfo, près de Rome, ont fermé les portes du palais peu après 20 h, heure locale, mettant ainsi un terme officiel à la papauté de Benoît XVI.

Quelques heures plus tôt, Benoît XVI avait accueilli les fidèles en tant que pape pour la dernière fois. Il a déclaré aux milliers de personnes qui l’attendaient à la résidence d’été papale qu’il entreprenait la dernière étape de sa vie en tant que «simple pèlerin».

Le début de la retraite de Benoît XVI a commencé par des adieux remplis d’émotion au Vatican. Les gardes suisses en tenue formelle étaient au garde-à-vous pendant que les prélats se succédaient pour embrasser l’anneau papal.

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Les cloches ont sonné quand le pape a quitté le Vatican en hélicoptère et survolé la place Saint-Pierre, où des fidèles brandissaient vers le ciel des bannières où l’on pouvait lire «merci». Les cloches ont de nouveau retenti quand l’hélicoptère est arrivé à Castel Gandolfo, dont la place centrale était remplie de curieux désireux de voir Benoît XVI en tant que pape pour la dernière fois.

Les bras levés, Benoît XVI est apparu au balcon du palais où il passera les premiers mois de sa retraite. Devant la foule bruyante qui l’applaudissait, il s’est dit heureux d’être «entouré par la beauté de la création» en cette journée historique.

«Je suis un simple pèlerin qui entame la dernière partie de son pèlerinage sur Terre», a dit Benoît XVI aux fidèles qui essuyaient leurs larmes.

Le pape de 85 ans s’est adressé au reste du monde par voie électronique. Peu avant son départ du Vatican, il a remercié ses fidèles sur son compte Twitter en leur disant merci pour leur amour et leur appui.

Obéissance à son successeur

La journée avait commencé par le dernier adieu de Benoît XVI aux cardinaux en tant que pape. Il a tenté d’apaiser les inquiétudes sur l’avenir sans précédent qui attend l’Église catholique, avec un pape en exercice et un pape à la retraite qui vivront côte à côte, en promettant «une révérence et une obéissance inconditionnelles» à son successeur.

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Le pape a également transmis ses dernières instructions aux «princes» de l’Église qui éliront son successeur, en leur demandant de rester unis pendant qu’ils choisiront le 266e chef des 1,2 milliard de catholiques dans le monde.

«Que le Collège des cardinaux travaille comme un orchestre, où la diversité (…) travaille toujours en faveur d’un accord harmonieux», a-t-il dit.

Ces commentaires ont été perçus comme une référence claire aux profondes divisions internes du Vatican, exposées au grand jour dans les derniers mois après la fuite de documents sensibles qui ont montré les luttes de pouvoir et les allégations de corruption au sein du Vatican.

Benoît XVI a déclaré qu’il prierait pour les cardinaux au cours des prochains jours pendant qu’ils discuteront des grands défis de l’Église et des qualités requises du nouveau pape.

«Parmi vous se trouve également le futur pape, auquel je promets aujourd’hui ma révérence et mon obéissance inconditionnelles», a-t-il dit aux cardinaux.

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Les cardinaux doivent commencer à se réunir lundi pour déterminer la date du début du conclave.

«Pape émérite»

Benoît XVI sera fera appeler «pape émérite» après son départ et continuera à porter une soutane blanche, avait annoncé mardi le Vatican, avivant ainsi les inquiétudes au sujet des possibles conflits qui pourraient découler de l’existence d’un pontife en fonction et d’un autre à la retraite.

Le titre et l’habit de Benoît XVI ont fait l’objet de plusieurs débats depuis qu’il a surpris le monde en annonçant sa démission le 11 février.

Le porte-parole du Vatican, le père Federico Lombardi, a affirmé que c’était le Saint-Père lui-même qui avait choisi de se faire appeler «votre sainteté Benoît XVI, pape émérite» ou «votre sainteté Benoît XVI, pontife romain émérite» après avoir consulté quelques personnes.

M. Lombardi a dit ne pas savoir pourquoi le pape avait laissé tomber son autre titre, soit évêque de Rome.

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Après l’annonce du départ de Benoît XVI il y a deux semaines, les représentants du Vatican avaient laissé entendre que, une fois à la retraite, le pontife reprendrait probablement la soutane noire et serait désigné comme «l’évêque émérite de Rome» afin de ne pas créer de confusion par rapport à son successeur.

La décision de Benoît XVI de se faire appeler «pape émérite» et de continuer à se vêtir en blanc alimente les craintes exprimées en privé par certains cardinaux concernant le côté étrange d’avoir deux papes vivant tous les deux au Vatican.

Autre sujet d’inquiétude: le fait que le fidèle secrétaire de Benoît XVI, Mgr Georg Gaenswein, servira les deux pontifes, vivant avec l’ancien pape au monastère où il se retirera et travaillant pour le nouveau pape durant le jour.

Interrogé sur les risques de conflits, le père Federico Lombardi a semblé sur la défensive, soutenant que ces décisions étaient le fruit d’une longue réflexion et qu’elles avaient probablement été prises en raison de leur simplicité.

Un pape «bureaucrate»

Par ailleurs, plusieurs observateurs estiment que le prochain pape devra être un «bureaucrate» aguerri capable de remettre de l’ordre dans une administration négligée par le pape Jean-Paul II et que son successeur, Benoît XVI, n’a pas réussi à ramener à l’ordre.

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L’appareil administratif du Vatican, la Curie romaine, serait complètement dysfonctionnel et déchiré par les rivalités internes, comme en font foi les nombreux scandales qui ont éclaté au cours des dernières années.

Le majordome du pape, dans un premier temps, a volé et remis à un journaliste des documents confidentiels qui décrivent la jalousie, la corruption et le copinage qui séviraient dans les plus hauts rangs de l’Église catholique. Les allégations vont de malversations dans l’attribution d’un contrat par le Vatican à un complot qui aurait été ourdi pour dénoncer l’homosexualité présumée de l’éditeur d’une publication catholique.

L’Institut pour les oeuvres de religion, la banque du Vatican, traverse de son côté une période trouble. Son ancien directeur, Ettore Gotti Tedeschi, a été viré pour incompétence. Son remplaçant, l’avocat allemand Ernst von Freyberg, est le président du conseil d’administration du groupe Blom+Voss, une entreprise qui construit notamment des navires de guerre pour la marine allemande.

Cette nomination survient au moment où le Vatican soumet ses finances à l’examen d’un comité du Conseil de l’Europe, dans l’espoir d’être ajouté à la liste des pays jugés transparents financièrement.

Depuis Jean-Paul II

Sandro Magister, un analyste qui épie de près les luttes de pouvoir parmi les dirigeant du Vatican, affirme que le «désastre» a pris naissance dans les années 1980, au début du pontificat de Jean-Paul II.

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«Jean-Paul II se désintéressait complètement de la Curie; sa vision était entièrement tournée vers l’extérieur, a dit M. Magister. Cela a permis la prolifération des querelles, des petits centres de pouvoir qui se disputaient, de l’ambition, du carriérisme et des trahisons. Tout ça s’est accumulé et le pape suivant en a hérité.»

Benoît XVI était bien au fait de ces problèmes, après près de 25 ans passés au sein de la Congrégation pour la doctrine de la foi, au Vatican. Mais il n’a jamais sauté dans la mêlée politique en tant que cardinal — et une fois pape, il a confié la mission à son bras droit, le cardinal Tarcisio Bertone.

Toutefois, le cardinal Bertone est rapidement devenu le paratonnerre des divisions qui existent au sein de la Curie romaine. En tant que canoniste, il n’avait aucune expérience diplomatique pour s’acquitter de cette tâche.

Aujourd’hui, on retrouve deux camps dans les rangs de la Curie: ceux qui sont loyaux au cardinal Bertone et ceux qui sont loyaux à son prédécesseur, le cardinal Angelo Sodano. Pris dans leur ensemble, les documents coulés à la presse visaient à miner la position du cardinal Bertone.

Transparence

Benoît XVI n’a pas été entièrement passif. Il a notamment réclamé une plus grande transparence financière et exigé, pour son majordome, la tenue d’un procès ouvert à tous, y compris aux journalistes.

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Il a aussi pris en main, personnellement, le dossier des prêtres pédophiles en 2001, après que l’affaire ait été transférée d’un bureau du Vatican à un autre pendant des années.

Au début de 2012, Benoît XVI a demandé à trois cardinaux de confiance de se pencher sur l’affaire du majordome, en allant au-delà de l’enquête criminelle. Le rapport final a été remis au pape en décembre 2012 et si son contenu demeure secret, plusieurs croient que ses auteurs ont décrit sans gêne la nature réelle de la Curie romaine – ce qui pourrait avoir accéléré la décision de Benoît XVI de renoncer à son poste.

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