C’est super… latif!

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Publié 15/10/2017 par Michèle Villegas-Kerlinger

Vous vous rappelez vos vieilles leçons de grammaire sur les superlatifs?

D’un côté, il y a les superlatifs relatifs qui comparent au moins deux objets, personnes, endroits, etc. comme dans la phrase suivante: Toronto est la plus grande ville du Canada.

D’un autre côté, il existe aussi un superlatif absolu où la comparaison est absente: Toronto est une très grande ville.

Certains lecteurs se rappelleront que, dans les années 1990, l’ancien premier ministre Jean Chrétien a prononcé cette phrase devenue depuis légendaire: «Le Canada est le plus meilleur pays du monde.»

Le Canada est sans doute un des meilleurs pays du monde, mais il ne peut pas être «le plus meilleur», ce qui est à la fois un pléonasme et un solécisme. On a beau pointer du doigt la malheureuse phrase de M. Chrétien, d’autres fautes toutes aussi condamnables se sont glissées dans notre langue, parfois à notre insu.

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Test

Voici justement une petite colle pour tester vos connaissances en la matière. Parmi les phrases au superlatif qui suivent, lesquelles sont mal construites? Petit indice: il y en a six en tout!

1 – La vieille capitale est la destination touristique la plus prisée au Québec.

2 – L’Île-du-Prince-Édouard est la province le moins peuplé du Canada.

3 – Même les personnes les plus intelligentes et plus délicates font parfois des gaffes.

4 – Le Canada est le deuxième plus grand pays du monde.

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5 – Selon le Huffington Post, Ottawa, Burlington et Oakville sont les meilleures villes du Canada.

6 – C’est au début du voyage que nous avons été le plus fatigués.

7 – C’est toujours Jean qui trouve la solution la plus vite.

8 – C’est la dernière chance que tu as de réussir.

9 – La moindre petite difficulté décourage cette personne.

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10 – Le prix du vol est bien moindre grâce au forfait.

11 – C’est le pis qui puisse nous arriver!

12 – Comment vas-tu? – Pas pire…

Réponses

1 – Aucun changement; le complément du superlatif est généralement introduit par la préposition de, mais, devant un nom de ville, de pays, de province ou d’État masculin et le mot monde, la préposition à est tout à fait possible. Avec des adjectifs comme utile, essentiel et propice, on emploiera obligatoirement la préposition à. Dans certains cas, on peut recourir aux prépositions parmi et d’entre comme dans la phrase C’est la meilleure solution d’entre toutes.

2 – … la province la moins peuplée; si la comparaison porte sur un adjectif comme dans ce cas-ci (peuplé), l’article et l’adjectif doivent s’accorder avec le nom auquel ils se rapportent (ici : province).

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3 – … les plus intelligentes et les plus délicates…; de la même manière qu’il faut répéter l’article si l’adjectif suit le nom, comme dans la phrase Les États-Unis sont le pays le plus puissant au monde, il faut répéter l’article si plusieurs adjectifs qualifient un seul et même nom (ici: les personnes).

4 – … le deuxième pays au monde pour sa superficie; combien de fois avons-nous entendu des phrases de ce genre ? Et pourtant, c’est un calque de l’anglais: «Canada is the second largest country in the world». Le problème, c’est qu’en français, il n’y a pas de «deuxième meilleur» ni de  troisième meilleur», juste le meilleur. Un point, c’est tout. Des expressions comme «le deuxième meilleur», «la troisième plus grande ville» ou «la quatrième plus grosse armée», seraient mieux rendus par des tournures comme le second, le numéro deux, au deuxième rang; la troisième ville pour la population; la quatrième puissance militaire du monde. À noter que le «first (last) two days» en anglais se traduit par les deux premiers (derniers) jours en français.

5 – Aucun changement; ici il ne s’agit pas d’une hiérarchie entre les trois villes. Elles sont sur un pied d’égalité et sont toutes les trois très bonnes comparées aux autres villes.

6 – Aucun changement; la comparaison de cette phrase porte sur le degré de fatigue, et non pas sur une comparaison entre nous et d’autres personnes. Cette phrase signifie que nous étions moins fatigués à la fin de notre voyage qu’au début. Bien qu’il soit tout à fait possible de dire C’est au début du voyage que nous avons été les plus fatigués, le sens change. Dans cette seconde phrase, nous nous comparons à d’autres personnes qui étaient moins fatigués que nous au début du voyage.

7 – … le plus vite; le superlatif dans cette phrase ne porte pas sur la solution, mais sur le mot vite qui est un adverbe. Ce n’est pas la solution qui soit «vite» (encore faudrait-il dire rapide), mais la façon dont Jean la trouve. Pour vérifier, tournez la phrase autrement : C’est toujours Jean qui trouve la solution qui est la plus vite. Si la phrase est grammaticalement incorrecte, il s’agit d’un adverbe, pas d’un adjectif. Donc, pas d’accord.

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8 – Aucun changement, pourvu que le sens de cette phrase soit bel et bien celle que vous recherchez. Lorsqu’on emploie l’indicatif avec le premier ou le dernier, on parle d’une série où l’élément en question est effectivement le premier ou le dernier. Si on choisit le subjonctif comme dans la phrase C’est la dernière chance que tu aies de réussir, on détecte presqu’une menace. Peut-être qu’il y aura d’autres chances, mais celle-ci est la dernière pour la personne en question. Ces deux cas mis à part, la plupart des superlatifs prendront le subjonctif dans la proposition subordonnée.

9 – … la moindre difficulté … ou … la plus petite difficulté … ; l’une ou l’autre expression fera très bien l’affaire, mais pas les deux ensemble, ce qui constitue un pléonasme et appartient plutôt à la langue familière. En effet, les deux expressions veulent dire la même chose bien que moindre soit plus abstrait. On ne se sert presque plus de ce dernier terme pour parler d’objets concrets ou de personnes.

10 – Aucun changement; on dit bien ou beaucoup moindre, mais pas «très moindre».

11 – Aucun changement; le mot pis veut dire plus mal. Son emploi est rare et considéré comme vieilli ou littéraire de nos jours. Il peut être remplacé avantageusement par pire s’il s’agit d’un adjectif ou d’un nom ou par plus mal dans le cas d’un adverbe. Aujourd’hui, le mot pis survit surtout grâce à quelques expressions figées du genre tant pis ou pis-aller.

12 – Pas mal (pas terrible); ce calque de l’anglais «not bad» peut être remplacé sans difficulté par une tournure française. Ce n’est pas un superlatif, mais le cas mérite d’être mentionné.

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Pour finir, rappelons-nous le petit tableau qui suit:

adjectif

comparatif

superlatif

bon (ne) (s)

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meilleur (e) (s)

le, la, les meilleur (e) (s)

mauvais (e) (s)

pire /plus mauvais (e) (s)

le, la, les pire (s)/le, la, les plus mauvais (e) (s)

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petit (e) (s)

plus petit (e) (s) /moindre (s)

le, la, les plus petit (e) (s)/ le, la, les moindre (s)

adverbe

comparatif

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superlatif

bien

mieux

le mieux

mal

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pire (pis)/plus mal

le pire (le pis)/le plus mal

Le Canada est sans aucun doute parmi les meilleurs pays au monde.

L’anglais est la langue la plus parlée au pays avec environ 56% des Canadiens se déclarant de langue maternelle anglophones. Les francophones occupent le deuxième rang avec un peu plus de 20%.

Une langue n’est pas meilleure que l’autre. Elles sont tout simplement différentes et il faut apprécier et respecter les différences qui rendent chacune unique.

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Sources :

https://www.bertrandboutin.ca/Folder_151_Grammaire/G_a_comparatif_superlatif.htmhttp://research.jyu.fi/grfle/191.html

Grammaire progressive du français de Maïa Grégoire

Le grand glossaire des anglicismes du Québec de Jean Forest

Dictionnaire québécois-français de Lionel Meney.

Auteur

  • Michèle Villegas-Kerlinger

    Chroniqueuse sur la langue française et l'éducation à l-express.ca, Michèle Villegas-Kerlinger est professeure et traductrice. D'origine franco-américaine, elle est titulaire d'un BA en français avec une spécialisation en anthropologie et linguistique. Elle s'intéresse depuis longtemps à la Nouvelle-France et tient à préserver et à promouvoir la Francophonie en Amérique du Nord.

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