Centre d’achats d’Elliot Lake: le toit du garage coulait dès le début

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Publié 06/03/2013 par Colin Perkel (La Presse Canadienne)

à 20h12 HNE, le 7 mars 2013.

ELLIOT LAKE, Ont. – La compagnie ayant installé le système d’étanchéité du centre commercial Algo, à Elliot Lake — système qui n’a jamais fonctionné correctement — n’avait jamais utilisé un tel système dans une structure semblable auparavant, a appris jeudi une enquête publique sur l’effondrement de la bâtisse.

Lors de son témoignage, Dave Monroe, ancien vice-président de la compagnie Harry S. Peterson, dit avoir eu des hésitations à propos de la conception du centre commercial, mais que son entreprise désirait obtenir ce contrat.

Selon lui, il a été nécessaire d’accepter une décision structurelle pour poursuivre les travaux.

La compagnie de M. Monroe, établie au Michigan, avait déjà beaucoup d’expérience en matière d’étanchéité. Parmi les autres projets auxquels elle a pris part, on retrouve un stationnement à l’aéroport de Toronto.

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Le système utilisé à Elliot Lake consistait, en gros, à appliquer du scellant et une membrane en polyuréthane seulement à des joints spécifiques dans le béton, plutôt que d’appliquer une membrane partout sur la surface.

Cependant, contrairement à d’autres projets où cette technique avait bien fonctionné, au dire de M. Monroe, le toit du stationnement du centre commercial était formé de dalles de béton creuses posées sur des poutrelles d’acier.

«Le problème, c’est que nous changions de structure, et c’était du nouveau pour nous», a déclaré M. Monroe, tout en ajoutant que l’entreprise était confiante de compléter la besogne avec efficacité en «altérant légèrement» son système.

Cette nouvelle méthode aurait permis d’économiser 150 000 $ sur le prix d’une membrane étanche conventionnelle.

Deux victimes

Le 23 juin 2012, une partie du toit du stationnement du centre Algo, qui avait de sérieux problèmes d’infiltration d’eau depuis sa construction en 1982, s’est effondré sur les boutiques qui se trouvaient en-dessous. Les enquêteurs croient que le joint qui retenait une poutre en acier a cédé en raison de l’érosion causée au fil des années par l’eau et la rouille.

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Deux femmes, Doloris Perizzolo et Lucie Aylwin, ont perdu la vie. Leurs familles poursuivent le propriétaire du centre d’achats pour plusieurs millions de dollars.

Lucie Alwyn travaillait pour le Collège Boréal, l’un des deux collèges communautaires francophones de la province.

Mal construit

Mercredi, John Kadlec, un ingénieur en structures ayant oeuvré au projet du centre commercial d’Elliot Lake, avait parlé des mauvaises techniques de construction qu’il a pu observer il y a trois décennies. M. Kadlec a précisé n’avoir jamais rien vu de tel auparavant.

Des vis manquantes, des colonnes gauchies et des poutrelles d’acier rouillées malgré le fait qu’elles étaient neuves n’ont été que quelques aspects de la construction du centre commercial Algo destiné selon lui à subir une catastrophe.

L’ingénieur a précisé qu’il avait envoyé des lettres au propriétaire de l’endroit pour l’avertir des erreurs.

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La découverte de colonnes pas tout à fait droites a entraîné une solution inusitée dans le cadre de laquelle la compagnie de construction, York Steel, a enchaîné le bâtiment à une surface rocheuse avoisinante, a appris l’enquête.

Malgré les problèmes, M. Kadlec a finalement apposé la signature finale pour la construction du centre commercial, dont l’effondrement, l’été dernier, a tué deux femmes.

En se basant sur les rapports d’une compagnie d’inspection, l’ingénieur a dit avoir été satisfait du fait que les problèmes avaient «apparemment» été résolus.

Mélange d’eau et de sel

L’avocat Joe Bisceglia, qui représente un autre ingénieur qui a plus tard inspecté le centre commercial, s’est montré incrédule devant l’approche apparemment nonchalante de M. Kadlec.

Celui-ci a défendu ses actions, affirmant qu’il faisait partie d’une équipe et que les décisions avaient été prises ailleurs.

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À certains moments, le témoin a dit ne pas pouvoir se rappeler de certains événements, ou pouvoir répondre à certaines questions.

Les enquêteurs croient qu’un mélange d’eau et de sel de déglaçage a mené à la destruction des soudures de deux structures en acier, menant à un effondrement catastrophique du toit qui a projeté des débris sur les consommateurs et les employés.

Courriels

Par ailleurs, la commission d’enquête envisage de s’adresser aux tribunaux pour forcer le propriétaire du centre Algo à lui fournir certains documents, a appris La Presse Canadienne.

Au coeur du problème: des courriels envoyés et reçus par Bob Nazarian qui, selon la commission, ont un lien direct avec le centre commercial Algo à Elliot Lake.

En guise d’avertissement, le commissaire Paul Bélanger a déjà officiellement ordonné à M. Nazarian de se conformer aux nombreuses mises en demeure l’enjoignant à soumettre le matériel requis à la commission.

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Bob Nazarian est l’un des acteurs les plus importants de cette affaire en raison des allégations voulant qu’il n’aurait pas entretenu la bâtisse de manière appropriée et que, sans sa négligence, la tragédie ayant coûté la vie à deux femmes en juin dernier aurait pu être évitée.

L’ordre de M. Bélanger, formulé le mois dernier et resté sans réponse, s’applique aussi à la femme et au fils du propriétaire, Irene et Levon Nazarian.

La bataille, dont les avocats de la commission refusent de discuter, a donné lieu depuis septembre à une série de tentatives timides de la part des Nazarian pour présenter les documents exigés.

À un certain moment, la famille a prétendu que la police provinciale ontarienne avait saisi le matériel dès le départ dans le cadre de l’enquête criminelle sur l’incident au centre commercial Algo.

Certaines requêtes ont été accueillies par une promesse de produire les documents sur-le-champ alors que d’autres ont simplement été ignorées.

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Serveurs américains

Selon des sources, les courriels concernés se trouvent sur des serveurs américains et la police de l’Ontario n’a pu y avoir accès.

La Presse Canadienne n’a pas été en mesure de rejoindre Bob Nazarian mardi. Interrogé au sujet d’une possible poursuite, l’un de ses avocats, Michael Title, a assuré que ses collègues et lui travaillaient actuellement à rassembler et à classer les documents.

Les mises en demeure concernent environ 40 000 courriels, dont certains sont privés et complètement hors de propos selon M. Title.

Les audiences de la commission ont débuté cette semaine et respecteront un ordre chronologique en commençant avec la conception et la construction du centre commercial. Le propriétaire doit témoigner dans quatre ou cinq semaines et la commission voulait avoir les courriels bien avant cette date afin d’avoir le temps de les étudier.

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