Mobilisation au Lycée français contre les compressions à l’AEFE

On a porté du noir cette semaine

Enseignant.e.s, parents d'élèves, et élèves en noir
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Publié 07/02/2018 par Laurie Humbert

Ce mardi 6 février, le personnel du Lycée français de Toronto (LFT) a mené une journée d’action en réponse à la baisse de 33 millions d’euros (10%) du budget de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) prise par décret en juillet 2017.

il n’a pas été question de grève mais d’une journée de protestation pacifique, où le personnel était vêtu de noir. Une table d’information était disponible et une action symbolique avec des parents solidaires a également été menée dans la journée.

Une délégation composée de représentants des parents et de membres du personnel du LFT a demandé à rencontrer Roland Lescure, le député des Français de l’étranger de l’Amérique du Nord à l’Assemblée nationale française.

Un fleuron du rayonnement

L’AEFE, rattachée au ministère des Affaires étrangères, accueille moins de 25% des enfants français résidant à l’étranger, «contre 50% en 1980», selon le sénateur Olivier Cadic (UDI).

D’après la sénatrice Jacky Deromedi (LR), «le ministère de l’Éducation nationale a obtenu une augmentation de son budget de 1,3 milliard d’euros, alors que l’AEFE a, elle, vu sa subvention baisser de 33 millions d’euros, soit 10% de son budget. Le réseau AEFE est l’un des fleurons du rayonnement de l’éducation française à l’étranger.»

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Le 27 novembre 2017, de nombreux enseignants et employés des établissements français à l’étranger s’étaient déjà mobilisés lors d’un mouvement de grève générale.

Des frais de scolarité…

Alors que d’autres établissements de l’AEFE proposent des tarifs différenciés pour les familles françaises de l’étranger, les frais de scolarité sont les mêmes pour tous au LFT.

C’est un point que déplore Meryll David-Ismayil, Française résidant à Toronto et dont les enfants sont scolarisés au LFT. «Les frais d’inscription sont déjà très élevés à Toronto. Par exemple, en maternelle, ils s’élèvent à 16 000 $ par année», confie-t-elle à L’Express.

Le Conseil d’administration du LFT rappelle que «nos établissements sont gérés par des comités de parents, qui fixent, dans leurs instances de gouvernance, les frais de scolarité de façon indépendante de l’État français. Chaque politique financière est guidée par des choix propres: équilibre budgétaire, politique salariale des contrats locaux, décisions d’investissements… Certains établissements différentient leurs tarifs, d’autres pas.»

… en hausse?

Ce que craint Meryll, c’est une hausse des frais de scolarité suite à la baisse du budget de l’AEFE.

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Cependant, le Conseil d’administration du Lycée tient à préciser que «les mesures budgétaires qui affectent l’AEFE n’ont pas de conséquence directe sur les frais de scolarité.»

Selon un représentant du conseil d’administration, «dans l’immédiat et très certainement pour les quelques années à venir, aucune mesure prise par l’AEFE ne peut remettre en cause la santé financière du lycée ou nécessiter une augmentation subite et importante des frais de scolarité».

Le proviseur du Lycée français, Jean-Pierre Faou, explique: «S’agissant des bourses scolaires de l’État français, elles sont attribuées par l’AEFE, après un examen des demandes des familles par les consulats, à près de 26000 élèves français (21% des élèves français dans le réseau) pour une enveloppe de 100 millions d’euros.»

Perte d’élèves

Elle-même boursière, Meryll déplore la difficulté d’obtenir une bourse: «Je fais partie de l’infime minorité de parents du Lycée français à bénéficier de cette bourse. Pour certains parents, l’obtention varie d’une année à l’autre. Le calcul est assez compliqué, et la perte de la bourse pousse souvent les parents à retirer leurs enfants du LFT.»

Ces enfants se retrouvent donc dans des écoles francophones des conseils scolaires Viamonde et MonAvenir, ou dans des écoles anglophones.

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Pour Meryll, c’est un choix par défaut. «C’est très important que les enfants soient scolarisés dans un établissement français, ça apporte une continuité malgré les changements importants qu’entraîne l’installation dans un nouveau pays», surtout si la famille compte retourner en France. «Ça les rassure de se dire qu’à l’école, ça va être pareil; on leur donne des repères là où ils n’en ont pas encore.»

Cette hausse des frais de scolarité pose aussi problème au réseau, selon Jean-Yves Leconte, sénateur socialiste représentant lui aussi des Français établis hors de France. «En 2018, les frais de scolarité payés par les familles dépasseront 83% du financement des établissements. Dans ce cas, l’État perd la maîtrise du réseau, ce qui rend de plus en plus difficile le développement d’une stratégie globale, ainsi qu’une influence sur l’évolution des frais de scolarité.»

Suppression de postes ?

«L’AEFE, a dû adopter des mesures structurelles d’urgence et notamment supprimer un certain nombre de postes de personnels titulaires de l’Éducation nationale française, détachés dans son réseau», explique M. Faou.

Il ajoute que cela a touché le Lycée français de Toronto pour trois de sa vingtaine de postes d’enseignants détachés. «Deux de ces postes n’étaient pas pourvus, le troisième sera vacant à la rentrée prochaine. La majorité des enseignants ne sont pas sous ce statut particulier. Ils sont recrutés sous contrat local et une bonne partie d’entre eux sont des enseignants français titulaires de l’Éducation nationale en situation de disponibilité au Canada. Il n’y a donc pas de suppression de postes au LFT, qui n’a pas jusqu’à présent de difficulté à recruter.»

Le proviseur, qui a rencontré le directeur de l’AEFE il y a quelques jours, a apporté l’assurance aux parents et enseignants – réunis le 6 février – que ces suppressions de postes qui ont touché le LFT et de nombreux autres établissements dans le monde ne constituaient pas une stratégie, mais répondaient à une urgence de l’AEFE. Le LFT ne devrait plus être touché.

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Inquiétude des enseignants

Les enseignants du LFT ont quant à eux ont exprimé une inquiétude face aux suppressions de supports de détachés dans les établissements du réseau. Le statut de résident détaché leur apporte une garantie de continuité de carrière.

Pour Olivier Cadic, une suppression de poste n’est pas un problème. «Si un expatrié est remplacé par un résident, ce n’est pas un drame. Toutes les entreprises internationales réduisent le nombre de collaborateurs expatriés au profit de résidents, pour faire des économies. Là aussi, il faut se montrer responsable et chercher des moyens de faire des économies. Certains ne cessent de dire qu’il faut réduire la dépense publique, mais s’opposent à toute proposition allant en ce sens…»

«Je me permets de corriger les propos du sénateur Cadic», explique Jean Pierre Faou. «Il y a là une confusion des termes utilisés entre les entreprises internationales et le réseau de l’enseignement à l’étranger. Pour nous, les expatriés nommés dans les écoles sont totalement à la charge de l’État. Les enseignants résidents nommés par l’AEFE sont pris financièrement en charge en moyenne à 75% par les établissements. Quand un de ces postes est supprimé dans une école – c’est le sujet d’actualité – il est remplacé par un poste en contrat local, sur lequel nous pouvons toujours recruter un enseignant français titulaire, en disponibilité cette fois.»

Pour les parents d’élèves de l’établissement, le souci est que le LFT «conserve sa spécificité française, en continuant notamment à attirer des enseignants de France».

AEFE
Fondé en 1995, le Lycée français de Toronto est maintenant situé rue Dufferin au sud d’Eglinton.

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