Au moins 13 morts, probablement 40, dans la tragédie à Lac-Mégantic

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Publié 06/07/2013 par Alexandre Robillard (La Presse Canadienne)

à 17h22 HAE, le 8 juillet 2013.

LAC-MÉGANTIC, Qc – La Sûreté du Québec a confirmé que huit nouveaux cadavres ont été retrouvés dans les décombres aux abords du lieu où a déraillé samedi un train rempli de pétrole à Lac-Mégantic. Cela porte donc à 13 le nombre de décès confirmés par les autorités.

Une quarantaine de personnes manquent toujours à l’appel, selon la police.

Le sergent Benoît Richard, de la Sûreté du Québec, a qualifié de «scène de crime» les lieux de la tragédie. L’enquête sur la collision et le déraillement du train progresse, a-t-il indiqué en fin d’après-midi, lundi.

Le sergent a révélé que ses agents et les autres experts déployés sur le terrain ont maintenant accès à l’ensemble des lieux du drame, qualifié de «zone rouge».

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Les policiers indiquent que plusieurs témoins ont été rencontrés au cours des dernières heures afin de déterminer les circonstances de la catastrophe. Un encadrement particulier est aussi offert aux familles des personnes disparues.

Trois experts du Service de la pathologie de Montréal participent entre autres aux recherches, a indiqué le sergent Richard. Un travail d’expertise d’identification des corps sera mené au cours des prochaines heures sur les cinq corps retrouvés en fin de semaine. Des fiches dentaires seront entre autres utilisées pour tenter d’identifier les corps retrouvés.

Locomotive

Un incendie dégageant étincelles et fumée opaque a été éteint sur une locomotive tirant le convoi de wagons-citernes qui a explosé quelques heures plus tard à Lac-Mégantic.

Cet élément a été confirmé dimanche par la société propriétaire du convoi, Montreal, Maine & Atlantic (MMA) et par des témoins oculaires qui ont observé un jaillissement d’étincelles de l’engin.

Alors que les enquêteurs amorcent tout juste leurs travaux, le président de MMA, Ed Burkhardt, a affirmé, lors d’une entrevue téléphonique, que cet incendie «mineur» était survenu à Nantes, la municipalité voisine de 10 km de Lac-Mégantic, où le convoi sans chauffeur s’est ensuite embrasé après avoir déraillé.

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M. Burkhardt a affirmé que cet incident avait nécessité l’intervention des pompiers de Nantes, en fin de soirée vendredi, juste avant le drame qui est survenu vers 1h, samedi matin.

Le moteur s’est arrêté

Selon le dirigeant de MMA, le moteur de la locomotive a ensuite été arrêté, ce qui a eu pour effet de provoquer le relâchement de la pression des freins à air. Le convoi, immobilisé sur une voie de garage, s’est alors remis à rouler sur un faux-plat qui l’a mené au centre-ville de Lac-Mégantic.

L’hypothèse que le moteur ait calé tout seul a été écartée par M. Burkhardt, qui estime que cela s’est produit après l’intervention des pompiers, sans préciser qui est responsable.

«Le moteur a été arrêté, par une ou des personnes, nous ne savons pas pourquoi», a-t-il soutenu depuis Chicago.

Le dirigeant a affirmé que cette information lui est parvenue par l’un des employés de MMA qui a constaté l’intervention des pompiers. M. Burkhardt a estimé que l’incendie a été provoqué par une fuite dans un conduit de carburant.

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Selon M. Burkhardt, avant de quitter le convoi pour un changement de quart, le conducteur a respecté les procédures en serrant les freins sur la locomotive principale et les onze premiers wagons de pétrole.

Témoins

Un couple de résidants de Nantes, qui se suivait séparément chacun dans sa voiture en rentrant à la maison, vendredi, a observé l’incident sur la voie bordant la route qui relie leur municipalité à Lac-Mégantic.

À bord du premier véhicule, Danielle Poirier a aperçu le convoi de wagons-citernes à l’arrêt, vers 22h45, à son endroit habituel sur la voie de garage.

«Le train était là, et il sortait des étincelles de la cheminée et après on est rentrés dans un gros nuage de fumée de diesel, a-t-elle dit. On ne voyait pas beaucoup, les autos qu’on croisait avaient leurs feux de détresse.»

La suivant à un kilomètre derrière, son mari Maurice Poirier, a fait le même constat de cette situation inhabituelle.

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«Il y avait une énorme odeur de carburant, c’était bleuâtre, a-t-il dit. Quand tu rentres là-dedans, tu as le réflexe de ralentir, parce que tu vois moins bien.»

Les Poirier n’ont vu personne autour du convoi, mais samedi, le service de sécurité incendie de Lac-Mégantic avait confirmé que les pompiers de Nantes étaient intervenus à la fin de la soirée de vendredi.

MMA a indiqué qu’elle ne disposait pas encore de toutes les informations étant donné l’accès limité au site du déraillement, en raison des enquêtes en cours. Une dizaine de représentants sont sur place mais refusent de rencontrer les journalistes.

Boîtes noires

Un enquêteur principal du Bureau de la sécurité dans les transports (BST), Ed Belkaloul, a déclaré lors d’un point de presse que le contenu de la boîte noire de la locomotive de tête avait été récupéré, ainsi qu’une boîte noire auxiliaire dans le dernier wagon.

«Il y a neuf canaux dans la boîte noire. Ça donne la vitesse, ça donne la pression, le freinage», a-t-il dit.

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M. Belkaloul a affirmé que l’incident de Nantes sera l’une des étapes de l’enquête qui s’amorce pour faire la lumière sur la tragédie.

Selon l’enquêteur, c’est une pratique courante que les convois soient immobilisés sans surveillance aux changements de quart. Il faut cependant que les freins à air et à main soient serrés.

«Un des faits, c’est que ce train est parti à la dérive, il n’était pas contrôlé, a-t-il dit. Donc à partir de là, ce qu’il faut déterminer c’est pourquoi il est parti à la dérive.»

Dimanche, la Sûreté du Québec a établi que cinq personnes avaient péri à la suite du déraillement du convoi qui roulait à grande vitesse. Une quarantaine de personnes sont toujours portées disparues.

Lors d’un point de presse, le lieutenant Michel Brunet a expliqué que l’enquête se poursuivait et qu’il est impossible pour le moment d’établir un lien entre l’incendie rapporté par les témoins à Nantes et la tragédie qui a suivi.

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«Ces renseignements font partie de l’enquête de la SQ, je ne peux vraiment pas élaborer ni faire de lien entre Nantes et Lac-Mégantic», a-t-il dit.

Entretien négligé?

À ses côtés, la mairesse de Lac-Mégantic Colette Roy-Laroche a affirmé que la municipalité avait déjà demandé à la compagnie ferroviaire propriétaire du train impliqué dans l’incident de porter une plus grande attention à l’entretien de ses infrastructures, afin d’éviter les déraillements.

«Ce que nous avons exigé, c’est que la compagnie respecte bien les règles d’entretien, tout simplement», a-t-elle dit.

M. Burkhardt a expliqué par la suite que cette demande ne lui est jamais parvenue.

«Nous n’en avons aucune trace», a-t-il dit, déplorant que la mairesse n’ait pas encore accepté de parler avec les représentants de MMA depuis la tragédie.

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Aux journalistes, M. Brunet a d’autre part prévenu que le nombre d’une quarantaine de disparus pourrait fluctuer, alors que les enquêteurs se déploient sur les lieux de l’accident, au centre-ville de Lac-Mégantic.

«Il faut être prudents avec ce chiffre, il peut évoluer, autant dans un sens que dans l’autre, autant à la baisse qu’à la hausse, mais à ce stade-ci je peux vous parler d’une quarantaine de personnes qui sont rapportées manquantes par des membres de leur famille.»

M. Brunet a annoncé une bonne nouvelle à une partie des personnes évacuées, qui pourront réintégrer leur résidence qui faisait partie d’un périmètre de sécurité érigé après l’explosion du convoi de 72 wagons-citernes, qui nécessitait le recours à un total de cinq locomotives, dont une de tête. Quelque 1000 des 6000 résidants de Lac-Mégantic ont été évacués très tôt samedi matin.

Identification difficile

Les représentants du Bureau du coroner sont arrivés à Lac-Mégantic samedi pour récupérer, transporter et identifier les corps des victimes, a indiqué dimanche aux journalistes la porte-parole Geneviève Guilbault.

Mme Guilbault a déclaré que l’intensité de l’incendie qui a dévasté une zone de deux kilomètres carrés complique le processus d’identification, qui pourra notamment nécessiter le recours à des échantillons d’ADN ou aux fiches dentaires des victimes.

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«Considérant l’intensité de l’incendie, on peut déduire que les corps sont dans un état de brûlure avancé, a-t-elle dit. Donc ça complexifie l’identification, mais tous les moyens nécessaires à notre disposition vont être utilisés pour venir à bout de l’identification.»

Mme Guilbault n’a pas exclu que des corps pourraient même n’être jamais retrouvés.

«C’est une question hypothétique mais ce n’est pas impossible, compte tenu évidemment de l’intensité du brasier. Pour l’instant, on travaille sur ceux qu’on va être capables de récupérer et on travaille sur ceux qu’on va être capables d’identifier», a-t-elle dit.

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