Amsterdam, la ville aux deux visages

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Publié 28/08/2012 par Aurélie Resch

Amsterdam n’est pas une ville. C’est une femme. Belle, sulfureuse, insaisissable et insoumise. Partir à sa rencontre, c’est vouloir découvrir sa personnalité double qui fascine et trouble aux quatre coins du globe.

À mon arrivée, Amsterdam m’accueille avec son air canaille. Il est 16h et elle est déjà ivre, aguichante.

C’est qu’Amsterdam fête les matches de football. Ses rues regorgent de bars bruyants et de fans égaillés, portant perruques orange et vêtements extravagants (toujours orange, couleur emblématique de l’équipe nationale de football), complètement saouls ou très excités. Amsterdam vit et palpite.

Insaisissable Amsterdam

Il est difficile de se frayer un chemin dans ses corsages pour faire un tour d’horizon. Canaux et bicyclettes, pourtant nombreux, disparaissent dans la cohorte chahuteuse des supporters de foot. Amsterdam festoie.

Toutes les raisons sont bonnes et tant pis, si elle ne tient pas toujours son rang. L’important, c’est de vivre en grand. Est-ce pour mieux dissimuler son mal-être grandissant avec la crise économique européenne ou cela fait-il partie de sa personnalité? Amsterdam reste insaisissable.

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Joyeuse et manquant de tenue, je la tenais pour une ville populaire et sympathique, quand les nuages l’ont recouverte et que la pluie s’est mise à tomber pendant deux jours. J’ai alors observé son visage fatigué et grimaçant que trop de maquillage n’arrive pas à couvrir.

Cela a commencé par le «Red light District», tôt le matin, sur mon trajet pour une visite vers le marché aux fleurs. On a beau dire que les filles – et les hommes qui travaillent dans le «Blue Light District» contigu au Red Light – occupent une profession comme une autre et veulent être considérés comme des travailleurs et non comme des curiosités, on ne leur trouve tout de même pas le sourire et l’avenant croisés dans bien d’autres métiers.

À 10h le matin, ce n’est pas par la grâce et le plaisir qu’on attire le client derrière sa vitre. Les mines lasses et souvent revêches me questionnent sur le bien-être de l’industrie du sexe aujourd’hui. Mais passons…

Sexe et plaisirs licites

La visite guidée de la ville, sous une pluie battante, met l’accent sur l’une des deux tours qui constituent la porte d’entrée de la ville. «Die Waag», qui après avoir servi de «balance» pour les négociants, s’est transformée entre autres, nous dit notre guide, en salle d’expériences scientifiques. Parfois ouvertes au public. On réalisait sur des cadavres des expériences médicales pour faire avancer la science.

La place où se trouve cette tour, Nieuwmarkt, était aussi la place où se tenaient les exécutions publiques. La rue qui serpente derrière s’appelle «Blood Street» en conséquence. Les jours – nombreux – de pluie faisaient couler le sang dans la rue. La couleur du sang est restée dans le quartier qui s’est prénommé Red Light District.

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En poursuivant notre visite dans le quartier, notoire pour ses excès et sa vie nocturne, notre guide nous arrête devant des «High cafés» où l’on vend des gâteaux aux champignons et autres drogues douces. Une curiosité touristique aussi sans doute.

En poussant la porte, je ne trouve pourtant rien de l’encanaillement, ni de la complicité dans «l’illicite autorisé» auxquels je m’attendais. Là où je voyais une certaine atmosphère routarde et bon enfant, je ne trouve que quelques âmes perdues et désabusées empêtrées dans une apathie triste.

Étonnant. Plus loin dans la rue, la kyrielle de sex shops offre un présentoir d’instruments davantage orientés vers la douleur que le plaisir…

Une nouvelle tendance que vient confirmer la queue de touristes devant le musée de la torture?

Amsterdam, la morose, s’ingénie à me convaincre qu’elle fatigue et chancèle sous le poids de l’Histoire (une visite à la maison d’Anne Franck et son musée – émouvant hommage à cette jeune fille qui vécut cachée avec sa famille dans cet immeuble pendant deux ans pour échapper à la répression nazie et qui nota tout ce qu’elle vivait dans son fameux journal – n’est certes pas pour remonter le moral), face au déclin d’une joyeuse débauche et devant le marasme économique et politique dont parlent parfois les habitants sur un air désabusé.

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Belle Amsterdam

Je la regarde du haut de la terrasse de mon hôtel, au-dessus de la Gare Centrale et m’attriste de la voir si lasse et froissée.

Même un tour au Musée Van Gogh dans l’après-midi ne m’a pas réconciliée avec sa légendaire joie de vivre, tant l’attention du public était davantage tendue vers la pénible maladie mentale du peintre que vers son œuvre.

Mais comme les vents changeant sur l’océan, Amsterdam fait volte-face et m’accorde ce matin toutes ses faveurs. Entre deux averses, elle se pare de ses plus belles lumières.

Celles qui ont fait sa notoriété et qui font se bousculer les visiteurs du monde devant les portes du musée Rijke pour mieux pouvoir les admirer. Ses façades uniques et reconnaissables entre mille, rivalisent dans les couleurs et les moulures pour la parer de mille feux. Feux qui se reflètent dans le miroir des eaux du canal.

Romantique, la capitale invite à la balade et se fait complice des amants assis sur ce banc ou qui se serrent sur le pont. Romantique, Amsterdam n’en est pas moins dynamique. En témoignent ses centaines de milliers de bicyclettes qui partent à l’attaque des rues et des avenues et qui n’en finissent pas de nous étourdir avec leur ballet frénétique.

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Conviviale Amsterdam

Des bicyclettes colorées, décorées, personnalisées. Nulle part ailleurs, le vélo n’est si emblématique. La vie grouille à Amsterdam. On s’emploie à fleurir sa péniche, son parc, son balcon et une ronde incessante de fleurs et de couleurs tourbillonne dans la ville. Amsterdam est coquette. Elle veut plaire et sentir bon.

Elle ne recule devant aucun sacrifice pour y arriver. À cet égard, une promenade le long des canaux et des boutiques du marché aux fleurs sur le Singel est un vrai régal. Exit l’aspect morose et morbide de la ville. Ici, les gens rient et discutent, partagent un morceau de fromage et font leurs emplettes pour décorer leur chez eux.

Un éventail de couleurs que l’on retrouve dans certaines boutiques du centre-ville, comme le Red Shop, sur Warmoestraat, qui ne propose que des objets et vêtements rouges. Les amateurs de sport quant à eux ne se gênent pas pour parer leurs devantures d’orange de manière quasi systématique. Ce même orange que l’on retrouve dans les fromageries, là où le gouda offre à la lumière chaude des ampoules du magasin sa croûte blonde ou rousse.

Amsterdam la conviviale, invite à découvrir sa cuisine dans des restaurants populaires ou plus hauts de gamme qui ont pris d’assaut d’anciens entrepôts sur les bords de mer.

Crustacés, pommes de terre, pain brun, sauces à la bière, tout un bouquet de saveurs se décline en fonction du lieu et du chef cuisinier.

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Monnaie de singe

On peut aussi créer des liens autour d’une bière ou d’un café et ressasser les légendes qui font la célébrité d’un endroit. Une manière comme une autre de découvrir Amsterdam et d’apprécier son côté familier. J’en ai retenu un, parce que je le trouve sympathique et original.

Surnommé le «Monkey Bar», ce café doit sa notoriété aux singes qui ont servi de monnaie aux marins venus écluser leurs bières lors d’escales. Ils rapportaient de leurs contrées lointaines de quoi payer leurs ardoises. En l’occurrence, des singes. Vite devenus trop nombreux, ils ont été déménagés chez une particulière qui donna naissance au Zoo de la ville. Restent dans ce bar, des gravures de singes et un singe empaillé, qui rappelle l’atmosphère bon vivant d’antan. Aujourd’hui, plus feutré, l’endroit reste fort accueillant et sympathique.

Amsterdam… il est bien difficile de la saisir et de l’apprécier pleinement. Il faudrait du temps. Ne pas se cantonner aux incontournables visites suggérées dans les guides, mais aussi l’apprivoiser par le cœur, par ses gens, sa lumière et ses canaux.

Vous l’aurez compris, Amsterdam ne se visite pas, Amsterdam s’apprivoise. Et lorsqu’on commence à s’éprendre d’elle, il est alors difficile de s’en passer.

Quelques bonnes adresses

Monkey Bar, rue Warmoestraat
Café Restaurant Stork, Gedempt Hamerkanaal t.o. 96
Restaurant Fifteen, Jollemanhof 9 1019 GW
Restaurant d’Vijff Vlieghen, Spuistraat 294-302
Pour ceux qui aiment le vélo, on peut louer une bicyclette à peu près partout en ville. Des loueurs à la Gare Centrale, certains hôtels louent également des bicyclettes.

Auteur

  • Aurélie Resch

    Chroniqueuse voyages. Écrivaine, journaliste, scénariste. Collabore à diverses revues culturelles. Réalise des documentaires pour des télévisions francophones. Anime des ateliers d’écriture dans les écoles, les salons du livre et les centres culturels.

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