Alberta: un premier règlement sur le français devant les tribunaux

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Publié 10/09/2013 par Gérard Lévesque

Vendredi dernier 6 septembre, l’Alberta a édicté un premier règlement pris en application du droit d’employer le français devant les tribunaux de cette province. Ce droit est inscrit au paragraphe 4(1) de la Loi linguistique, adoptée en 1988 par l’Assemblée législative de cette province.

Bien que le paragraphe 4(2) de la loi prévoie l’établissement de règlements en vue de donner effet à cette disposition législative, Justice Alberta avait jusqu’ici négligé d’agir. Cette négligence nuisait énormément à l’usage du français devant les tribunaux.

Il aura donc fallu plus d’un quart de siècle, une décision de la juge Anne Brown (Cour provinciale de l’Alberta), l’intervention d’un grand nombre d’individus, y compris des parlementaires fédéraux comme la sénatrice Claudette Tardif et le député Yvon Godin, la publication d’un nombre important de chroniques juridiques (et même de caricatures!) pour que le ministère de la Justice de l’Alberta décide enfin de publier ce premier règlement.

Comme la version française et la version anglaise de la Loi linguistique ont également force de loi, il était raisonnable de s’attendre que le règlement pris en application de cette loi soit également disponible dans les deux langues.

Au moment d’écrire le texte de cette chronique, il n’a pas été possible de déterminer si ce règlement numéro 158/2013 a été adopté dans les deux langues des tribunaux de l’Alberta.

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Propos en français

L’apport positif de ce premier règlement est de remplacer la partie de la directive du ministère qui, dans les transcriptions judiciaires, fait disparaître ce qui a été dit en français lors d’une audience d’un tribunal albertain.

Dorénavant, les propos prononcés en français par le juge, le justiciable et son avocat feront partie de la transcription. Ils ne seront plus remplacés par une annotation prétendant qu’une langue étrangère a été utilisée.

Le ministère devra maintenant s’assurer que les transcriptions rapportant des propos prononcés en français sont de qualité égale aux transcriptions rapportant des propos prononcés en anglais.

Délais

Il faut également que ces transcriptions soient produites dans des délais similaires aux transcriptions de langue anglaise.

À titre d’exemple, la version finale de la transcription de quatre audiences où le français a été utilisé en 2009 et en 2010 au Palais de justice de Calgary n’est pas encore disponible alors que les frais de celles-ci sont entièrement payés.

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Le règlement fait référence à la disponibilité d’interprétation. Justice Alberta doit s’assurer que ce service soit fourni par des interprètes judiciaires compétents.

Ce service doit être disponible pour les parties qui en ont besoin, pas pour le juge ou le juge de paix. Autrement, cela serait contraire au droit d’être entendu en français sans interprète.

Des questions

Pour le reste, le règlement soulève plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Il est très court et paraît incomplet.

Ce texte a-t-il fait l’objet de consultations avec les parties intéressées comme le veut le processus de préparation des règlements? Pour être plus précis, les juristes et les justiciables d’expression française de l’Alberta ont-ils été consultés?

Les restrictions que le règlement apporte à l’utilisation du français sont-elles contraires aux droits linguistiques constitutionnels des Franco-Albertains?

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Le règlement est-il conforme au critère d’interprétation des droits linguistiques clairement établi par la Cour suprême du Canada?

Le règlement est-il en accord avec le principe constitutionnel de progression vers l’égalité de statut ou d’usage du français et de l’anglais?

Va-t-il à l’encontre du principe non écrit de protection des minorités?

Si le ministre de la Justice de l’Alberta et Tim Grant, son nouveau sous-ministre, acceptent de dialoguer avec les parties intéressées, il devrait être possible de solutionner à l’amiable plusieurs problèmes et d’améliorer le texte de ce règlement.

En l’absence d’une volonté de ce ministère de travailler avec les parties intéressées à l’accès à la justice en français, il est certain que les tribunaux de l’Alberta continueront d’être régulièrement saisis de litiges concernant les droits linguistiques.

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Version anglaise du règlement 158/2013 de l’Alberta:
http://documentationcapitale.ca/index.cfm?Repertoire_No=2137985599&voir=centre_detail&Id=5342

Loi linguistique de l’Alberta:
www.canlii.org/fr/ab/legis/lois/rsa-2000-c-l-6/derniere/rsa-2000-c-l-6.html

Décision de la juge Brown dans R. c. Pooran,  2011 ABPC 77:
www.canlii.org/fr/ab/abpc/doc/2011/2011abpc77/2011abpc77.html

Auteur

  • Gérard Lévesque

    Avocat et notaire depuis 1988, ex-directeur général de l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario. Souvent impliqué dans des causes portant sur les droits linguistiques. Correspondant de l-express.ca, votre destination pour profiter au maximum de Toronto.

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