SIDA: conférence à Washington pour renverser le cours de l’épidémie

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Publié 22/07/2012 par Lauran Neergaard (The Associated Press)

à 13h01 HAE, le 22 juillet 2012.

WASHINGTON – « Renverser, ensemble, le cours de l’épidémie »: l’objectif va mobiliser cette semaine plus de 20 000 chercheurs, militants d’ONG et responsables politiques, réunis à Washington pour la XIXe conférence internationale sur le SIDA. Mais certains scientifiques veulent aujourd’hui aller encore plus loin et relancer la quête d’un remède pour guérir la maladie, longtemps jugé inaccessible.

Pour l’heure, les participants de la conférence, qui s’ouvrait dimanche soir pour six jours, vont se concentrer sur les moyens d’endiguer définitivement la pandémie en utilisant certains des puissants moyens existants.

Premier défi à relever: faire en sorte que les 34 millions de personnes infectées par le VIH, le virus de l’immunodéficience humaine, aient davantage accès aux traitements qui permettent aujourd’hui de sauver des vies en limitant la progression de la maladie mais aussi de réduire les risques de transmission.

Or aujourd’hui, seuls huit des 15 millions de patients ayant besoin de ces antirétroviraux dans les régions pauvres du monde ravagées par le SIDA reçoivent ces médicaments coûteux qui permettent de vivre avec la maladie.

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Pour autant, aussi bons soient-ils, ces traitements lourds, qui doivent être pris à vie, ne sauraient constituer l’objectif ultime, souligne Françoise Barré-Sinoussi, fraîchement élue présidente de la Société internationale du SIDA (International AIDS Society, IAS), qui organise la conférence.

Pour cette chercheuse française de l’Institut Pasteur, prix Nobel de médecine 2008 avec son compatriote Luc Montagnier pour avoir découvert le virus du SIDA, les avancées de la science montrent désormais qu’un traitement pour guérir la maladie « pourrait être une possibilité réaliste ».

A l’approche de la conférence de Washington, le Pr Barré-Sinoussi et plusieurs autres spécialistes mondiaux du SIDA ont ainsi présenté jeudi une feuille de route pour atteindre cet objectif, jugé utopique pendant des années. Cette nouvelle stratégie veut permettre aux équipes internationales de chercheurs d’explorer un certain nombre de pistes susceptibles de déboucher sur une découverte majeure.

Les experts n’ont pas voulu pour l’heure estimer le coût de ces recherches. Mais déjà, aux Etats-Unis, les National Institutes of Health (NIH) ont accru les dépenses pour des recherches, avec environ 56 millions de dollars octroyés l’an dernier à ces travaux, selon un article paru cette semaine dans la revue scientifique « Nature ».

« Aujourd’hui, c’est la première étape », a expliqué Françoise Barré-Sinoussi. « Personne ne pense que cela va être facile », a renchéri le Dr Steven Deeks, de l’université de Californie à San Francisco, qui a co-présidé avec la Française le développement de cette stratégie. « Certains pensent que ce n’est pas possible », a-t-il reconnu.

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Les médicaments antirétroviraux peuvent aujourd’hui diminuer la charge virale jusqu’à des niveaux indétectables, mais n’éradiquent pas le virus. Pernicieux, ce dernier peut rester caché sous forme latente dans certaines cellules, sorte de réservoirs, et reprendre de la vigueur à l’arrêt du traitement.

Aussi rien ne dit qu’un remède puisse être trouvé un jour. « Ce virus est étonnant dans sa capacité à pouvoir s’intégrer dans une cellule, comme un réservoir, et malgré tout ce que nous avons fait jusqu’ici, nous n’avons pas été capable d’éliminer ce réservoir », soulignait récemment dans une interview le Dr Anthony Faucy, directeur de l’Institut américain de l’allergie et des maladies au sein des NIH.

Et pourtant, une personne dans le monde a, semble-t-il, guéri du SIDA, Timothy Ray Brown, le « patient de Berlin ». Cet habitant de San Francisco, vivait à Berlin en 2006 quand, en plus du virus du SIDA, il a découvert qu’il souffrait d’une leucémie.

Pour lutter contre ce cancer, il a subi une greffe de moelle osseuse. Son propre système immunitaire était détruit. Et son médecin allemand a trouvé un donneur compatible qui faisait partie des 1% de personnes d’origine européenne présentant une particularité génétique qui les rend naturellement résistant au VIH. Il s’agit d’une mutation d’un récepteur, une molécule, qui constitue la porte d’entrée du virus.

Et cela a marché. Toute trace du virus a disparu. De fait, après cinq ans sans traitement anti-SIDA, le « patient de Berlin » se porte bien, a rappelé jeudi Steven Deeks.

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Si la greffe de cellules souches sanguines, chère et dangereuse, ne peut constituer une solution à grande échelle en pratique, elle a suscité toute une variété de recherches sur d’autres moyens d’éradiquer le virus. Actuellement, 12 études préliminaires sur un petit nombre de patients, moins de 200 dans le monde, sont en cours, selon les experts. D’ici un ou deux ans, de premiers résultats devraient permettre de déterminer si elles valent ou non la peine d’être poursuivies.

La nouvelle stratégie de recherche fixe toute une série de priorités pour les scientifiques. Parmi elles, déterminer pourquoi le virus hiberne et persiste ainsi. Les chercheurs veulent aussi comprendre pourquoi certaines personnes sont naturellement résistantes. Outre le groupe qui présente une mutation génétique, une étude menée en France, l’étude « Visconti », porte sur un petit groupe de patients qui contrôlent leur infection. Ils ont entamé des traitements peu après avoir été contaminés et, quelques années plus tard, ont pu arrêter les médicaments sans que le virus ne progresse à nouveau.

Les scientifiques veulent aussi mettre au point et tester des stratégies pour renforcer la résistance naturelle des personnes infectées. Des études de thérapies géniques sont en cours.

Autres pistes: déterminer où se trouvent les réservoirs secrets du virus et développer des moyens de s’attaquer à ces réservoirs. Des travaux utilisent des médicaments pour réveiller le virus latent pour que le système immunitaire puisse le repérer et l’attaquer.

Au printemps dernier, des chercheurs de l’université de Caroline du Nord à Chapel Hill, ont rapporté qu’un médicament utilisé normalement pour le lymphome avait permis de rendre le VIH latent rapidement détectable chez six patients. Le Dr Deeks conduit une autre étude similaire avec un vieux médicament utilisé contre l’alcoolisme.

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Enfin, les chercheurs aimeraient développer des tests efficaces pour mesurer ces petites doses de VIH latent, un élément crucial pour déterminer l’efficacité de toute tentative pour guérir le malade.

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