2019: les Franco-Ontariens ne sont pas au bout de leurs peines

Enjeux francophones au Canada en 2019

500 personnes à la porte du député d'Etobicoke Nord le samedi 1er décembre. Près de 15000 aux quatre coins de la province.
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Publié 02/02/2019 par Isabelle Lessard

La population franco-ontarienne n’est pas au bout de ses peines face aux coupes dans les services en français, préviennent les experts.

Le gouvernement provincial de Doug Ford pourrait sabrer dans les services en français en santé et en éducation, et ainsi raviver le mouvement de la Résistance, discret depuis les manifestations de décembre. Également, les milieux culturel et artistique craignent le pire.

Rappelons que l’année 2018 s’est terminée en queue de poisson pour la population franco-ontarienne. Le Commissariat aux services en français, l’Université de l’Ontario français, le Conseil des arts de l’Ontario: les annonces de coupes se sont succédées, ce qui a donné lieu à un mouvement de résistance puissant chez les francophones et francophiles de la province.

La professeure adjointe au département de science politique du Collège militaire royal du Canada à Kingston, Stéphanie Chouinard, prédit que les onze prochains mois risquent d’être tout aussi sombres pour les Franco-Ontariens.

Les RLISS dans la mire

De grandes institutions pourraient fort bien passer dans le tordeur du gouvernement Ford. C’est le cas notamment des réseaux locaux d’intégration des services de santé (RLISS) – et leurs «entités» consultatives francophones – qui risquent carrément de disparaitre pour être remplacés par cinq organismes.

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Stéphanie Chouinard

«C’est inquiétant parce que ces entités de planification permettaient dans les différentes régions désignées de l’Ontario français de répondre à des besoins bien spécifiques de la communauté francophone», soutient la politologue. «Ce sera plus difficile pour les services de santé de la province d’être proactif en matière de services en français si ces entités disparaissent.»

Les 14 RLISS de la province ont pour mission de redistribuer le financement accordé par la province à différents fournisseurs de services de santé dans leurs régions respectives.

Ceux-ci offrent des programmes de santé dans les hôpitaux, les centres de santé communautaire, les foyers de soins de longue durée et auprès des fournisseurs de services de santé mentale et de lutte contre les dépendances. Ce sont également les RLISS qui sont responsables de la prestation de soins à domicile et en milieu communautaire.

Plus d’élèves par classe

Afin de redresser son budget qui sera dévoilé en avril prochain, le gouvernement conservateur envisage aussi de sabrer les dépenses en éducation, selon Stéphanie Chouinard. Ces coupes pourraient notamment se traduire par un ratio professeur-élève accru, donc des classes plus nombreuses.

«Pour la qualité de l’éducation dans les écoles de toute la province, qu’elles soient francophones ou anglophones, ce serait inquiétant. Les études démontrent très bien que plus un enseignant a de têtes de pipe dans sa salle de classe, plus la qualité de l’enseignement devient difficile à maintenir. Et ça devrait inquiéter les parents des conseils francophones publics et catholiques.»

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De fait, la réforme éducationnelle du gouvernement libéral de Dalton McGuinty, qui plafonnait à 20 le nombre d’élèves par classe au primaire, avait permis au ministère de l’Éducation de l’Ontario d’observer une hausse de 10 points de pourcentage aux tests de compétence.

Moins d’activités francos

Les artistes franco-ontariens craignent également des coupes dans les activités culturelles et artistiques dans les écoles. Le mot se passait à Contact ontarois, un évènement qui regroupe les artistes de la scène et les acheteurs de spectacles francophones, qui se tenait à la mi-janvier.

Vincent Poirier
Vincent Poirier

Vincent Poirier, du groupe humoristique Improtéine, admet que des diffuseurs scolaires qui sont responsables des présentations dans plus de 400 écoles lui ont confié être frileux. «Ils font comme si tout allait bien aller, mais il y a beaucoup de craintes des écoles entre autres que les budgets culturels soient coupés», confie-t-il.

Vincent Poirier a d’ailleurs remarqué que le téléphone sonne moins souvent depuis quelque temps pour la présentation de spectacles dans les écoles.

«On commence à y voir plus clair et à observer un lien [entre la baisse des contrats et la crainte de coupures]. Fut un temps où on tournait beaucoup dans les écoles d’immersion ici, à Ottawa, et soudainement il y en a moins.»

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Quand ça nous chante… pas

D’ailleurs, l’Association des professionnels de la chanson et de la musique a fait savoir que son festival Quand ça nous chante, qui est présenté dans les écoles, sera amputé cette année.

William Burton, un jeune leadeur de la francophonie ontarienne, déplore qu’un festival aussi important pour l’identité des élèves du secondaire n’obtienne pas les fonds nécessaires.

«Ce sont ces évènements qui ont façonné mon identité et ma fierté francophone, s’exclame-t-il. C’est là que beaucoup de jeunes découvrent des artistes [francos] et trouvent ce qu’ils veulent faire comme métier, donc ça m’inquiète beaucoup.»

Vincent Poirier dénonce lui aussi le fait que ce soient encore les jeunes qui payent la note.

Course à la chefferie libérale

La place que prendront les enjeux linguistiques lors de la course à la chefferie du Parti libéral de l’Ontario retiendra également l’attention des francophones en 2019.

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Le nouveau chef qui remplacera la première ministre sortante, Kathleen Wynne, pourrait être élu soit avant les élections fédérales d’octobre prochain, ou au plus tard en 2020. Les candidats qui révèleront leurs intentions au cours de cette année risquent de devoir répondre à une communauté francophone en quête d’appuis.

Enjeux 2019
Nathalie DesRosiers et Marie-France Lalonde.

«Le Parti libéral de l’Ontario ayant vraiment tenté de se faire le grand champion de la francophonie ontarienne à Queen’s Park au cours des dernières années, ce sera intéressant de voir quelle direction le nouveau ou la nouvelle chef prendra vis-à-vis de la francophonie ontarienne», relève la politologue Stéphanie Chouinard.

«Si on en croit les sorties des [députées] Nathalie DesRosiers et Marie-France Lalonde, ce sera encore un enjeu important pour le parti.»

Cette course servira de piste de réflexion pour la députée indépendante Amanda Simard, qui envisage peut-être de faire le saut chez les libéraux. La jeune politicienne a claqué la porte aux conservateurs provinciaux en guise de protestation face aux coupes dans les services en français.

Auteur

  • Isabelle Lessard

    Journaliste à Francopresse, le média d’information numérique au service des identités multiples de la francophonie canadienne, qui gère son propre réseau de journalistes et travaille de concert avec le réseau de l'Association de la presse francophone.

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