Une vérité poignante sur les Autochtones

L’ex-lieutenant-gouverneur James Bartleman est romancier

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Publié 01/03/2016 par Harriet Vince

Aussi longtemps que les rivières couleront, le premier roman de la trilogie portant sur la justice sociale de l’ancien lieutenant-gouverneur James Bartleman, traduction de As Long As The Rivers Flow paru en 2011, fait référence aux promesses cassées des traités entre les Blancs et les Autochtones.

Originaire de la Première Nation des Chippewas de Rama, Bartleman a été diplomate pendant 35 ans, le premier Autochtone ambassadeur du Canada, avant de devenir en 2002 le premier Autochtone lieutenant-gouverneur de l’Ontario.

«Je sais ce que c’était l’exclusion dans ma jeunesse», raconte-t-il en entrevue (en français) à L’Express. «On n’appartenait pas vraiment au monde blanc, on était des étrangers des deux côtés.»

Son engouement pour la lecture lui vient depuis son plus jeune âge. «J’avais trouvé des bandes dessinées et ma mère m’avait appris à lire. Quand je suis allé à l’école des Blancs, je savais déjà lire mais pas les autres. J’ai pris le goût de la lecture.»

La genèse de son roman basée repose sur des recherches et sur sa réalité. «J’avais la responsabilité de faire une visite de toutes les communautés des Premières Nations. J’ai commencé par le Grand Nord, la Baie James. C’était vraiment un choc.»

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«Une jeune filles de 13 venait de se tuer car elle n’avait pas d’espoir. Les jeunes se sentaient seuls, pas acceptés par leur famille et par la communauté en général. Ils étaient sujets au racisme de la communauté blanche lorsqu’ils quittaient la réserve. Mal éduqués, ils ne recevaient pas le même niveau d’éducation dans leurs écoles que dans les écoles blanches. Pour cette raison-là, très peu finissaient leur secondaire.

Son roman poignant nous transporte dans une réalité négligée de la majorité des Canadiens: la pénible existence des Autochtones. Son récit retrace l’histoire de la petite Martha, 6 ans, membre de la Première Nation de Cat Lake, dans le Nord de l’Ontario, qui est enlevée de sa famille pour être emmenée dans un pensionnat autochtone où elle n’aura plus le droit de parler sa langue maternelle et sera victime d’abus sexuels d’un prêtre.

Plusieurs années plus tard, elle retourne chez elle, profondément traumatisée et incapable d’assumer son rôle de mère.

«Martha est une amalgame de trois dames qui ont fréquenté le pensionnat Sainte-Anne. Elle ont été violées et battues pendant des années par un prêtre. Le prêtre et Martha sont basés sur des personnalités réelles; tout le reste est basé sur beaucoup d’entretiens.»

«J’ai décidé de faire quelque chose. Je suis allé parler aux ministres des affaires autochtones de l’Ontario et du fédéral. Ils étaient au courant mais ne pouvaient rien faire. C’était comme ça.»

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«Je me suis rappelé des petites leçons que j’avais apprises de ma jeunesse: l’importance de la lecture et de la réconciliation. J’ai vu que cela fonctionnait pour l’apartheid en Afrique du Sud par exemple.»

Il a assisté à des scènes où les parents pleuraient, car leurs enfants s’étaient suicidés. «Mais à la fin, c’était une sorte de catharsis, ils savaient bien que c’était important pour eux-mêmes de pardonner à tous les gens qui avaient fait tant de mal, car ils devaient commencer le processus de guérison pour être de meilleurs parents, pour qu’il puissent progresser dans la vie.»

Si, dans son roman, James Batleman accorde une place essentielle pour ces deux dimensions, la guérison et le progrès, il souligne également la nécessité d’une plus grande égalité avec les Autochtones. «On ne peut plus y avoir un système où l’on traite les élèves blancs mieux que les Autochtones. Les Autochtones devraient avoir le même accès aux livres de la bibliothèque.»

Il dit entretenir beaucoup d’espoir pour la communauté autochtone avec le nouveau gouvernement de Justin Trudeau, «même si dans le passé, il y a eu beaucoup de promesses qui n’ont pas été tenues».

«En 2004 j’ai fait appel au public de l’Ontario pour de bons livres d’enfants usagés. J’ai ramassé plus de deux millions de livres pour les réserves autochtones!»

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James Bartleman a aussi créé des clubs de lectures pour les jeunes Autochtones de 6 à 12 ans appartenant aux populations les plus démunies et les plus isolées. Ces clubs rassemblent aujourd’hui 5000 étudiants. Il a récolté environ un million et demi de dollars.

Dans la perspective que les autochtones deviennent aussi bien auteurs que des lecteurs, on a établi le prix James Bartleman pour la création littéraire des jeunes autochtones. Les gagnants remportent 2 500 $ ainsi qu’un voyage à Toronto pour une rencontre avec l’ancien et l’actuelle lieutenant-gouverneur.

«Je suis très content de la diffusion d’Aussi longtemps que les rivières couleront», dit-il. Paru en 2014, l’ouvrage en traduction française vient d’arriver dans les bibliothèques du pays. «En une semaine, j’ai parlé à quinze radios francophones dans toutes les provinces. J’espère que cela sera accessible à tout le monde.»

James Bartleman planche présentement sur ses mémoires, A Season of Hope, qui sortent le 16 avril. La trilogie qui commence par As Long As The Rivers Flow (2011) se poursuit avec The Redemption Of Oscar Wolf (2013) et Exceptional Circumstances (2015).

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