Tenir compte de la diversité linguistique et culturelle dans la pédagogie

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Publié 07/02/2012 par Nourhane Bouznif

«L’hétérogénéité linguistique et culturelle complexifie la formation identitaire et la façon dont on envisage l’école», selon Cécile Sabatier qui, mercredi dernier, présentait ses travaux au Centre de recherches en éducation franco-ontarienne (CRÉFO) devant une audience composée d’enseignants, de chercheurs et d’étudiants.

Professeure adjointe à la Faculté d’Éducation de l’Université Simon Fraser de Vancouver depuis 2004, Cécile Sabatier a mené ses dernières recherches dans des cursus de formation initiale des enseignants et dans des programmes d’immersion francophone à Vancouver (les classes d’immersion dispensent un enseignement en français aux enfants dont le français n’est pas la langue maternelle).

Elle s’est ainsi rendue dans les classes immersives d’écoles élémentaires de Colombie-Britannique, ainsi que dans des centres de formation, pour observer les pratiques des enseignants confrontés à cette diversité linguistique et culturelle.

Dans les classes d’immersion, les enfants sont allophones, ce qui veut dire que le français n’est pas la langue parlée dans la famille, mais une langue seconde.

Le Conseil scolaire francophone de Colombie-Britannique a noté qu’une grande majorité des élèves inscrits étaient issus de couples mixtes, pour un total de 52 langues différentes parlées à la maison.

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Ces enfants arrivent donc à l’école avec un bagage linguistique et culturel qui leur est propre. Pour la plupart, le français devient alors une langue de scolarisation.

Face à cette diversité de langues et de cultures, Cécile Sabatier interroge le rôle de l’école comme facteur de construction des identités citoyennes.

Car selon la chercheure, «cette hétérogénéité culturelle et linguistique complexifie la formation identitaire». Dans cette situation, l’école et les enseignants sont amenés à relever de nouveaux défis.

Prétexte à d’autres activités

Pour René, enseignant en élémentaire à Vancouver, il n’est pas question de priver les enfants de leur langue maternelle et de leur culture, mais au contraire, d’intégrer le plurilinguisme et le multiculturalisme pour faire de la classe «un espace situé de la diversité et de la rencontre», comme l’explique Cécile Sabatier.

Son astuce? Faire que la diversité devienne prétexte à d’autres activités et à l’apprentissage de nouveaux savoirs.

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À partir d’un album pour enfant lu en classe et dont l’histoire se déroule en Chine, René compose une leçon de géographie. La classe se rend ensuite au Centre communautaire chinois, accompagnée par les parents, pour de nouvelles découvertes. En chemin, pourquoi ne pas improviser un petit cours de mathématiques? Avec cinq dollars en poche pour acheter trois objets au Centre, les enfants vont apprendre à gérer leur argent.

Livres, musique, danse… Dans la classe de René, cette diversité de culture et de langue se retrouve dans bon nombre des activités proposées.

Stage au Mali

Pour Cécile Sabatier, les formations des enseignants n’affrontent pas assez la diversité.

Pour remédier à cette réalité, la Faculté d’éducation de l’Université Simon Fraser de Vancouver, où enseigne Cécile Sabatier, a mis en place un programme original.

Ce programme, c’est le MIEL, Module international en éducation en langue française, un stage intégré au cursus de formation des enseignants.

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Les futurs maîtres partent six semaines dans des classes au Mali pour se confronter à d’autres élèves et d’autres manières d’enseigner.

Là-bas, les conditions scolaires sont bien différentes. Les classes vont de 42 élèves pour les plus petites, à 160 élèves pour les plus chargées. À la disposition des enseignants, ni livre, ni ordinateur (il n’y a de toute manière pas d’électricité).

Les enseignants en formation se retrouvent confrontés à des pratiques éducatives éloignées de celles mises en œuvre au Canada.

Au Mali, explique Cécile Sabatier, l’enseignant considère la classe dans son ensemble, c’est le maître qui détient le savoir et la discipline s’exerce à l’aide d’un fouet.

En Colombie-Britannique, l’élève est envisagé comme un individu à part entière, qui a le droit de s’exprimer, qui peut bouger dans la classe.

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L’enseignement est centré sur l’élève et l’on préconise une pédagogie basée sur les apprentissages intégrés, ce qui signifie que les matières (mathématiques, Histoire, français…) sont étudiées ensemble.

Valeurs éthiques

L’école prend également en compte la manière d’apprendre de l’élève et accorde de l’importance aux valeurs éthiques.

L’un des objectifs du stage à l’étranger est de découvrir d’autres manières d’enseigner dans des pays francophones et d’amener les futurs maîtres à réfléchir sur leurs pratiques, leur façon de faire la classe afin de redonner du sens à leurs actions.

Une réflexion réciproque puisque certains enseignants maliens ont abandonné le fouet quand ils ont réalisé que les enfants ainsi corrigés n’avaient pas envie de retourner à l’école.

Si les discours et les recherches ne manquent pas sur la question de la diversité en milieu scolaire, «il reste encore beaucoup de travail à faire», d’après Cécile Sabatier.

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Dans un monde où la mobilité ne va qu’en s’accentuant, la question de la diversité est incontournable et plus que jamais au cœur des enjeux pédagogiques dans les classes d’immersion francophones.

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