Sept nouvelles finement ciselées

Alain Bernard Marchand, Sept vies, dix-sept morts, nouvelles, Montréal, Éditions Les Herbes rouges, 2017, 208 pages, 20,95 $.
Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 03/04/2017 par Paul-François Sylvestre

J’aime lire des recueils de nouvelles relativement courtes. Je commence presque toujours par la moins longue. Or, Alain Bernard Marchand vient de publier Sept vies, dix-sept morts, un recueil de sept nouvelles de vingt à trente pages chacune. Il a néanmoins réussi à me séduire, à la fois par ses personnages bien campés et par son style finement ciselé.

Le titre indique qu’il est question de vie et de mort. Comme je viens moi-même de publier un récit sur vivre et mourir dans la dignité, je me suis senti particulièrement interpellé par les propos de Marchand.

La première nouvelle dresse le décor d’un mémorial, d’une célébration de la vie à laquelle sont conviés neuf amis du disparu. La dernière nouvelle se termine par la mort d’un frère qui était une minute cinquante-sept secondes plus vieux que son jumeau, trois secondes de moins que l’écart entre ma sœur jumelle et moi.

En conviant ses amis à son prochain mémorial, l’homme précise que «Vous êtes dans mon ADN et m’avez défini beaucoup plus que la maladie qui m’empêchera de vous revoir. Invoquer mes premiers souvenirs de vous, c’est refuser que la photo d’écoliers s’efface d’usure.»

Alain Bernard Marchand.
Alain Bernard Marchand.

L’auteur a été fonctionnaire dans le domaine des communications. Il connaît le tabac, comme on dit, puisqu’il écrit que les fonctionnaires sont «des travailleurs rompus au fonctionnement ou résorbés dans une fonction». Alain Bernard Marchand a eu la fonction d’écrire des discours, comme l’un de ses personnages. Words, words, words, pour reprendre une réplique dans Hamlet. Le patron prononce «des discours qu’on a rédigés pour lui et cite des livres qu’on a lus pour lui».

Publicité

Les sept nouvelles mettent en scène un conservateur de documents anciens, le fils d’un opposant à la dictature des colonels en Grèce, un distributeur de courrier dans une tour de bureaux, un étudiant en proie au Stamboul Blues, un joggeur qui découvre un cadavre, un cinéphile captivé par une bande-annonce et deux frères nés à une minute cinquante-sept secondes d’écart. Qu’ont-ils en commun? Une filiation… par le sang, par le goût ou par le tempérament.

Alain Bernard Marchand est un homme d’une culture générale étendue. Cela se reflète dans son style, dans certaines comparaisons par exemple. Il écrit qu’un mystère est «aussi impénétrable que les rites de Dionysos dans la Grèce antique», qu’un train est «sorti tout droit d’un film de Jacques Tati», que deux vies étaient «aussi éloignées l’une de l’autre que la Grande Ourse de la Croix du Sud», ou encore qu’il a envoyé une carte «du théâtre d’Éphèse où Saint Paul avait prêché». Et tout cela dans la même nouvelle!

Alain Bernard Marchand est né à Shawinigan, a grandi sur les rives du lac Huron et vit à Ottawa. Son essai Tintin au pays de la ferveur lui a valu le prix Trillium et ses Chants d’un autre siècle le Prix de poésie Radio-Canada.

Il pourrait bien remporter un prix avec Sept vies, dix-sept morts. Ce recueil est une profonde réflexion sur la place de choix qu’occupe l’infiniment petit dans la grandeur de nos vies.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur