Nuit Debout, agora des Parisiens

Dans le sillage d'Occupy et du Printemps érable

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Publié 10/05/2016 par Nicolas Dot

Depuis le 31 mars dernier et la fondation du collectif «Nuit debout», des milliers de personnes se réunissent chaque soir place de la République à Paris pour animer des débats passionnés et variés. Ce rassemblement apolitique rêve d’une société où chaque citoyen aurait son mot à dire.

Les participants y dénoncent le système politique actuel, qu’ils jugent «déconnecté des fondements démocratiques». Ils tentent de se faire entendre, chaque soir, dans une cacophonie de maux. Mardi dernier, nous nous sommes rendus sur place pour prendre le pouls de ce mouvement.

Loi Travail

Ce mouvement social est né après une manifestation contre la «loi Travail» ou «Loi El Khomri», du nom de la ministre Myriam El Khomri qui en pilote le projet, censé améliorer la compétitivité des entreprises, assouplir le droit du travail et donc favoriser l’emploi dans un contexte de chômage de masse.

Pourtant les frondeurs sont plus nombreux et véhéments que les partisans. Concrètement, ils estiment que cette loi offrirait trop de liberté aux entreprises pour fixer le temps de travail de leurs salariés ou pour procéder à des licenciements.

Selon un sondage Odoxa, 70% des Français se montrent opposés au texte. Voltuan, célèbre activiste présent chaque soir Place de la République, brandit une pancarte «Loi Travail scélérate».

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Il déclare à L’Express: «On souhaite dénoncer ici la politique antisociale et corrompue du gouvernement. La Loi Travail c’est la régression pour les salariés, c’est continuer à opposer les 1% des plus riches aux 99% de ceux qui se font manipuler. Ça couvait déjà en France depuis quelque temps. Mais si Hollande a réussi quelque chose dans son quinquennat, c’est bien ça, faire soulever le peuple.»

L’«Occupy» français

Sans leader ni porte-parole, Nuit debout a symbolisé ce rejet de la Loi Travail dans un premier temps. Pourtant aujourd’hui, ce collectif citoyen propose plus globalement une convergence des luttes.

Le mouvement suit les codes de soulèvements citoyens récents «comme ceux des Indignés d’Espagne, d’Occupy Wall Street ou encore du Printemps érable au Québec», nous confie Voltuan.

«Les formes d’expression entre Occupy, le Printemps érable et Nuit debout sont différentes, mais ces mouvements ont en commun un désir de soulèvement, une demande profonde de changement. Le système actuel génère des problèmes environnementaux majeurs. Il est responsable de conflits meurtriers et donc de problèmes démographiques comme la guerre en Syrie et la crise des migrants. Ce système à l’ancienne méprise le social et nous met tous en danger» poursuit-il.

Débats tous azimuts

Nuit debout, c’est une «société miniature» pour certains, «une assemblée spontanée» ou même une «fédération de mouvements» pour d’autres. En un mot, c’est «convivial», «libre», «solidaire» ou encore «citoyen» selon chacun.

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Débats sur la «recolonisation» de l’Afrique, sur le féminisme, sur l’État d’urgence (mis en place depuis les attentats de novembre en France), sur le lobbying, sur la jeunesse, sur l’écologie, sur le nucléaire, sur la politique de l’Union Européenne, sur le cannabis, sur le partage comme remède à la crise… Nuit debout rime définitivement avec diversité d’opinion et pluralisme politique.

La place de la République est quadrillée chaque soir par ces innombrables assemblées populaires.

Vers quels résultats?

Mais dans quelle direction le collectif «Nuit debout» s’oriente-t-il?

Le phénomène se nationalise avec des actions partout en France depuis plus de deux semaines, et même en Europe bientôt avec un appel à une journée de mobilisation le 15 mai prochain dans plusieurs grandes villes européennes.

Pourtant, le monde politique ne cesse de dénigrer le mouvement social.

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L’ancien président Nicolas Sarkozy, chef du parti Les Républicains, déclarait récemment en réunion électorale: «Nous ne pouvons pas accepter que des gens qui n’ont rien dans le cerveau viennent sur la place de la République donner des leçons à la démocratie française».

Pour le Front national de Marine Le Pen, Nuit debout est «un centre opérationnel de saccage». En effet, ces dernières semaines, de nombreux casseurs sont venus émailler les débats en semant la violence au sein des manifestations.

«On fait tout pour décrédibiliser le mouvement. Nuit debout doit préserver un certain cadre de sécurité» déclare un agent des transports, suite au saccage de la station de métro République ce dimanche par des casseurs.

«Il faut plus de structure, plus de coordination. Il est nécessaire de s’adresser davantage à l’extérieur, inciter les gens à se déplacer et se joindre à nos luttes», nous confie Mattias membre du petit parti La Gauche Révolutionnaire.

Nuit debout soulève en tout cas de nombreux débats et symbolise le désaveu du peuple français envers sa classe politique. Reste à savoir si le gouvernement répondra aux appels ou si Nuit debout s’éteindra.

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