Mourir dans la dignité: ce n’est pas fini

La contestation vise maintenant à élargir la portée de la loi

L'Albertain John Tuckwell, atteint de SLA, dans Road to Mercy.
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Publié 20/09/2016 par François Bergeron

22 ans après le décès de Sue Rodriguez, atteinte de sclérose latérale amyotrophique (SLA), qui réclamait en vain mais qui a obtenu illégalement de mourir des mains d’un médecin, le gouvernement canadien a légiféré cet été (2 ans après le Québec et pressé par la Cour suprême) pour autoriser l’aide médicale à mourir dans les cas de maladie incurable avancée où la souffrance est intolérable et la mort «raisonnablement prévisible».

Le Canada rejoint donc un club sélect de pays (Bénélux et Suisse notamment) à permettre le suicide assisté, du moins pour certains cas. Mais «des démarches judiciaires et politiques en ce sens aboutiront bientôt dans plusieurs autres pays et dans certains états américains», indique Nadine Pequeneza, réalisatrice du documentaire Road to Mercy qui sera diffusé pour la première fois à CBC le 6 octobre.

La cinéaste Nadine Pequenza.
La cinéaste Nadine Pequeneza.

«Et déjà, au lendemain de l’adoption de la loi canadienne, des contestations judiciaires visent à en élargir la portée», ajoute la cinéaste torontoise en entrevue à L’Express la semaine dernière.

Par exemple, on veut aussi permettre aux personnes qui pourraient vivre encore longtemps avec des maladies débilitantes, donc dont la mort n’est pas imminente, de se prévaloir d’une aide médicale pour s’éteindre.

Dans le film, qui va à la rencontre de malades, de leurs proches et de leurs médecins, on examine le cas extrême d’une jeune Belge dont la seule maladie apparente est un certain isolement et un «mal de vivre», mais dont même la mère approuve sa demande de mourir.

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Au Canada, nos élus ont rejeté l’idée que des jeunes (ou des vieux) momentanément déprimés puissent obtenir une aide médicale à mourir. Ils ont aussi exclu la plupart des maladies mentales de la liste de celles qui autoriseraient un médecin à administrer la dose mortelle souhaitée par son patient.

«L’expérience de cette pratique, encore limitée, indique qu’environ 2% des grands malades réclameraient que leurs médecins mettent fin à leurs jours», selon Nadine Pequeneza. Le nombre de personnes éligibles serait plus élevé. «Les cas de cancer et de SLA constituent la grande majorité des demandes.»

Dans le film, où l’on rencontre notamment le docteur Louis Roy, pionnier du suicide assisté au Québec, celle qui traite un Albertain, décédé cet été et dont la lutte contre le SLA a inspiré plusieurs de ses concitoyens, pense qu’on se trouve sur une pente glissante «une fois qu’on commence à voir la mort comme une solution aux problèmes de nos patients».

«Les générations futures verront ça comme la décision légale, éthique, sociale la plus importante du 21e siècle», affirme une opposante lors d’une audience parlementaire où s’est invitée l’équipe de Nadine Pequeneza.

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Celle dernière n’est pas aussi catégorique, ni aussi dramatique. Clairement en faveur de la réforme et même de son élargissement, elle affirme cependant qu’elle «ne fait pas partie du mouvement». Elle voulait surtout «stimuler la conversation nationale sur ce sujet» qui reste très controversé dans certains milieux, même si une majorité de Canadiens appuient les objectifs de la réforme selon tous les sondages.

La Cour suprême était d’ailleurs unanime, en 2015, pour décriminaliser l’aide à mourir, souligne la cinéaste.

«Ce n’est pas une décision qu’on pose à la légère», admet-elle. «Toutes les religions y sont opposées, beaucoup de médecins aussi, surtout ceux qui travaillent dans le milieu des soins palliatifs.» La porte est cependant ouverte et le restera: mourir dans la dignité est désormais un droit presqu’aussi sacré que la vie et la sécurité de la personne. On en est maintenant à en tester les limites et à le baliser.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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