Marc Lalonde, 40 ans plus tard

Qualité de vie

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Publié 11/11/2014 par Charles-Antoine Rouyer

Marc Lalonde, l’ancien ministre de la Santé nationale et du Bien-être social de Pierre Trudeau en 1974 estime que les Canadiens sont en meilleure santé de nos jours.

«Depuis 40 ans, il y a eu une amélioration sensible de la longévité et de la santé des Canadiens, mais il reste encore de la place pour davantage d’amélioration», résume Marc Lalonde, qui attribue cette progression à un meilleur niveau de vie et à un style de vie plus sain, grâce «à une prise de conscience des Canadiens de leur responsabilité pour rester en bonne santé.»

Le signataire du document fondateur dans le monde entier de la nouvelle santé publique et de la promotion de la santé moderne, était de passage à Toronto, 40 ans après la publication du document Nouvelle perspective sur la santé des Canadiens. Il participait à la conférence Creating a pandemic of health (Créer une pandémie de la santé, pandemicofhealth.ca), organisée par l’École de santé publique Dalla Lana de l’Université de Toronto, du 3 au 5 novembre 2014.

L’environnement avant la biologie

Si l’ancien ministre devait publier son rapport aujourd’hui, l’environnement serait en première position (voir encadré).

«Ce que je ferais différemment, ou le document aurait probablement mis en premier lieu aujourd’hui l’environnement au lieu de la biologie humaine. Parce que nous avons pris conscience plus fortement de l’importance des conditions économiques et sociales des gens, ainsi que de l’environnement en général, l’environnement physique, la pollution, les changements climatiques.»

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Ainsi, consacrer davantage d’argent au système de soins de santé (que certains spécialistes appellent d’ailleurs un système de soins de la maladie) ne serait pas la meilleure manière d’investir nos deniers publics pour une meilleure qualité de vie.

«De penser que l’on va automatiquement régler le problème ou améliorer la situation en augmentant les sommes dépensées dans les soins traditionnels, je ne pense pas que ce soit la solution», déclare Marc Lalonde.

Par exemple, un système de garderies plus abordable comme au Québec serait une bonne solution, mais cela demeure une responsabilité provinciale, souligne Marc Lalonde. «On vit dans un système fédéral au Canada. Il ne faut pas avoir la réaction instinctive que parce qu’il y a un problème le fédéral doit s’en occuper.»

Au-delà du ministère de la Santé

«Il y a des initiatives que les provinces peuvent et doivent faire. Il y a un leadership intellectuel et parfois financier que le gouvernement fédéral peut fournir», précise le juriste de formation. Mais «si le ministre fédéral pense que sa fonction c’est d’envoyer des chèques aux provinces, je pense qu’il manque à sa tâche gravement», ajoute-t-il.

«Ce qui extrêmement important, lorsque l’on parle de la santé, est que l’on continue d’être très conscient qu’il y a une dimension qui dépasse de la loin la conception traditionnelle du ministère de la Santé, quand dans le fond cela implique tous les ministères.»

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Dans le sillage des années 60

Invité à jeter un regard en arrière sur le contexte de l’époque qui a lui permis de publier ce rapport qui a profondément influencé le monde entier, l’ancien député d’Outremont, né le 29 juillet 1929 à l’Île Perrot au sud-ouest de Montréal, sourit. «Il n’y a rien de nouveau sous le soleil», répond Marc Lalonde.

«Il y avait déjà à cette époque une inquiétude devant la croissance des coûts de santé traditionnels et les moyens limités dont les gouvernements disposaient sans avoir à augmenter les impôts de manière considérable. Les coûts de santé étaient à l’époque autour de 6 ou 7% du PIB, aujourd’hui ils sont rendus à presque à 11%.»

«Nous étions un gouvernement qui était dirigé par un intellectuel, et il y avait une valorisation de la remise en question de tout. Rappelez-vous que les années 60 et 70 au Canada et dans l’occident, c’était une période de révolution culturelle. C’est dans ce contexte général où les gens étaient prêts à se poser des questions nouvelles et à accepter que les lieux communs soient contestés, que l’on pouvait peut-être faire mieux avec moins dans certains cas. »

Un travail d’équipe

Du point de vue personnel, Marc Lalonde confie que ses valeurs personnelles «de centre gauche» comprenaient le sentiment d’avoir «le devoir de chacun de contribuer à améliorer la société, d’avoir plus de justice dans la société, qu’il était possible de laisser à la génération suivante une société meilleure que celle dans laquelle on avait vécu. »

Mais dans la foulée, le retraité de 85 ans (avec à son actif près de 12 ans de service au sommet de l’état canadien successivement comme ministre des Finances, de l’Énergie, des Mines et des Ressources, de la Justice, délégué à la Situation de la femme, du Sport amateur et de la Santé nationale et du Bien-être social), souligne qu’il doit beaucoup à l’équipe qui a planché sur ce que le monde entier appelle encore de nos jours le rapport Lalonde.

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«J’ai été chanceux en ce sens que j’ai eu un sous-ministre de la santé à l’époque exceptionnel, qui s’appelait le docteur Leclair. Et nous avions constitué un petit groupe rassemblant sociologue, statisticien, économiste. Il était le seul médecin dans le petit groupe, et moi qui était un simple avocat, qui avons véritablement repensé, développé ce concept.»

LE RAPPORT LALONDE
Radioscopie de la gueule de bois du baby-boom?

En 1974, le rapport Lalonde, du nom du ministre fédéral canadien de la Santé nationale et du Bien-être social Marc Lalonde, révolutionna la manière d’aborder la santé humaine dans le monde entier.

Le document Nouvelle perspective sur la santé des Canadiens propose alors une conception globale de la santé humaine en identifiant quatre domaines principaux déterminants en la matière, par ordre d’importance: la biologie humaine, l’environnement, les habitudes de vie et en dernière et quatrième position, les soins de santé.

«La santé est l’assise du progrès social. Les citoyens d’un pays ne peuvent tirer pleinement partie de la vie et n’être heureux que dans la mesure où ils jouissent d’une bonne santé», résume d’emblée le premier paragraphe de l’avant-propos du rapport.

Le gouvernement canadien est le premier au monde à recommander d’élaborer des politiques publiques soulignant l’importance du contexte d’un individu, du cadre de vie sur l’état de santé d’une personne ou autrement dit, de l’environnement, tant physique que socio-économique.

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«Les hôpitaux, les médecins, les chirurgiens et la profession infirmière consacrent le gros de leurs efforts au traitement des maladies causées par des éléments nocifs du milieu et des excès sur le plan individuel», explique le rapport Lalonde.

Présenté à la Chambre des communes le 1er mai 1974, le livre vert reçoit tout d’abord un accueil frileux au Canada mais a «un retentissement immédiat sur la scène internationale», explique l’ouvrage La santé publique: une histoire canadienne, de l’Association canadienne de santé publique. Les États-Unis, la Grande-Bretagne et la Suède adoptent cette démarche d’une conception globale de la santé.

Trente ans après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, le Canada est alors le premier à tirer la sonnette d’alarme sur les répercussions des nouvelles habitudes de vie adoptées après le baby-boom, dans le tourbillon de croissance économique de l’après-guerre.

«Parallèlement aux améliorations apportées sur le plan des soins médicaux, du niveau de vie, de la protection de la santé publique et des sciences médicales, de puissantes forces adverses sont venues freiner les efforts visant à hausser le niveau de santé des Canadiens.»

«Parmi ces forces adverses qui en somme ne sont que la rançon du progrès économique, mentionnons: la pollution de l’environnement, la vie en milieu urbain, le manque d’exercice, l’abus de l’alcool, du tabac et des drogues et enfin, les habitudes alimentaires qui de nos jours sont axées davantage sur la satisfaction des sens que sur les besoins du corps humain.»

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«Pour exceptionnels que les soins médicaux puissent être au Canada comparativement à beaucoup d’autres pays, il ne fait guère de doute que l’action future visant à améliorer l’état de santé des Canadiens devra s’orienter davantage vers l’assainissement du milieu, la réduction des risques auxquels l’individu s’expose délibérément et la connaissance plus approfondie de la biologie humaine», conclut le rapport Lalonde en 1974.

Renseignements

Rapport Lalonde
La santé publique: une histoire canadienne (2010)
États de service de Marc Lalonde
Pour visionner l’entrevue intégrale avec Marc Lalonde

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