L’identité francophone d’un juge ne ferme pas son esprit judiciaire

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Publié 25/05/2015 par Gérard Lévesque

«Je ne suis pas d’accord avec la Cour d’appel (du Yukon) lorsqu’elle conclut que l’exercice actuel, par le juge du procès, de la fonction de gouverneur de la Fondation franco‑albertaine a largement contribué à une crainte raisonnable de partialité…»

«L’appartenance à une association affiliée aux intérêts d’une race, d’une nationalité, d’une religion ou d’une langue en particulier ne peut servir de fondement, sans plus, pour conclure raisonnablement qu’il y a apparence de partialité…»

«Le Canada a déployé beaucoup d’efforts pour se doter d’une magistrature plus diversifiée. Cette même diversité ne devrait pas faire office de présomption que l’identité du juge ferme l’esprit judiciaire.»

C’est ce qu’écrit la juge Rosalie Abella, avec l’accord de ses collègues de la Cour suprême du Canada, dans le dossier Commission scolaire francophone du Yukon, district scolaire #23 c. Yukon (Procureure générale), 2015 CSC 25.

En raison d’autres éléments, comme des commentaires désobligeants et irrespectueux que le juge du procès a prononcés, le critère applicable pour conclure à l’existence d’une crainte raisonnable de partialité a toutefois été satisfait. Il est donc nécessaire de tenir un nouveau procès.

Le jugement unanime du plus haut tribunal du pays, rendu public le 14 mai dernier, traite également d’une autre question fort importante pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire: la Commission scolaire francophone du Yukon est-elle habilitée à décider unilatéralement qui peut être admis à l’école de langue française?

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À cet égard, la juge Abella rappelle que l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés établit un niveau minimum de gestion et de contrôle dans une situation donnée et qu’il ne s’agit pas d’un maximum. Elle souligne que plusieurs provinces, comme l’Ontario, ont accepté de conférer aux commissions scolaires un large pouvoir discrétionnaire pour admettre les enfants de non-ayants droit.

En l’espèce, toutefois, le Yukon n’a pas délégué à la Commission la fonction de fixer les critères d’admission des enfants de non‑ayants droit. À défaut d’une telle délégation, la Commission n’a pas le pouvoir de fixer unilatéralement des critères d’admission différents de ceux établis par l’article 23 et dans le Règlement du Yukon.

Entrevoyant sans doute la possibilité que le Yukon ne soit pas enclin à effectuer une telle délégation, la juge précise que «la Commission n’est pas pour autant empêchée de faire valoir que le Yukon n’a pas assuré suffisamment le respect de l’article 23 et rien ne l’empêche de soutenir que l’approche adoptée par le Yukon à l’égard des admissions fait obstacle à la réalisation de l’objet de l’article 23».

Ce message devrait encourager les parties de tenter à nouveau d’en arriver à une solution négociée qui respectera pleinement les droits scolaires des francophones du Yukon, à défaut de quoi de nouveaux litiges devront être initiés devant les tribunaux ce qui serait susceptible d’entraîner des délais au détriment de membres de la communauté de langue officielle en situation minoritaire.

Auteur

  • Gérard Lévesque

    Avocat et notaire depuis 1988, ex-directeur général de l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario. Souvent impliqué dans des causes portant sur les droits linguistiques. Correspondant de l-express.ca, votre destination pour profiter au maximum de Toronto.

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