L’identité en crise à Cinéfranco

On aura eu un festival sur trois saisons cette année

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 25/10/2016 par François Bergeron

Après une édition jeunesse en février et un spécial Québec en avril, un troisième rendez-vous Cinéfranco est programmé cette année, du jeudi 27 octobre au mardi 1er novembre au théâtre de l’Alliance française de Toronto.

«Il me restait un peu d’argent du dernier festival jeunesse, et j’ai déjà sécurisé une subvention pour le festival grand public du printemps 2017», raconte la fondatrice et directrice Marcelle Lean. «J’étais donc en mesure de compléter, cet automne, le festival grand public commencé au printemps grâce à la Tournée du cinéma québécois et l’appui de l’Alliance française.»

La perte d’un financement important de la Fondation Trillium, en décembre 2015, avait acculé Cinéfranco au mur. «Le printemps reste la saison idéale pour Cinéfranco», explique Marcelle Lean à L’Express, «car il y a plusieurs autres festivals de films en octobre et novembre, les cinéphiles et les journalistes spécialisés sont débordés.»

Marcelle Lean
Marcelle Lean

Ce sont donc 13 longs-métrages et 2 courts-métrages qui seront présentés sous le thème de «L’identité en crise et les droits humains» dans ce qui est finalement officiellement le 19e festival Cinéfranco.

Souvent, le thème d’un festival se dégage de la sélection qu’on a réussi à faire plutôt que l’inverse. «Ici, cependant, à cause d’un repos forcé cet été par des opérations aux genoux, j’ai suivi beaucoup d’actualité et regardé plusieurs films qui se trouvaient à converger vers les tensions actuelles sur le mauvais traitement des minorités, le chômage des jeunes et les questions identitaires.»

Publicité

Au programme, des films de réalisateurs chevronnés mettant en scène des comédiens hors pair… qui, toutefois, ne participeront pas en personne au festival torontois, sauf pour Bachir Bensaddek, avec qui on pourra jaser via Skype de son film Montréal la blanche (sur deux immigrants de première génération venant d’Algérie).

Le prof torontois Miloud Chennoufi, expert du terrorisme et des guerres actuelles, animera une discussion sur Made in France, le film prémonitoire de Nicolas Boukhrief, qui a rencontré d’énormes problèmes de distribution en France dans la foulée des attentats du Bataclan le 13 novembre 2015: c’est histoire glaçante d’une cellule djihadiste ayant pour mission de semer la panique.

D’autres films ont d’ailleurs «souffert des attentats en France», signale Marcelle Lean. C’est le cas de Certifiée Halal, qui n’a pas pu trouver de salles parisiennes après la tuerie aux bureaux de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015. «Pourtant, c’est un vaudeville franco-algérien de quiproquo entre deux futures mariées voilées dans un bled perdu d’Afrique du nord.»

Dans Nous trois ou rien, le réalisateur Kheiron incarne aussi le rôle de son père forcé d’immigrer en France après la prise de pouvoir de l’ayatollah Khomeini en Iran. «Cette comédie dramatique est un hommage à la contribution que les immigrants apportent à leur pays d’accueil.»

Dans Insoumise, une militante sociale au chômage doit quitter le Maroc pour un emploi saisonnier dans une petite ferme belge. «La bande sonore du drame de Jawad Rhalib ajoute plus de force à l’actualité des tensions entre patrons et ouvriers sur fond de crise agricole.»

Publicité

Dans le film de fermeture, À peine j’ouvre les yeux, une jeune fille aime chanter des chansons provocatrices dans les bars, ce qui irrite sa mère et attire l’attention de la police sous la dictature de Ben Ali en Tunisie.

CinéfrancoLe biopic Monsieur Chocolat redonne vie au premier clown noir de France qui, avec son partenaire anglais Footit, le clown blanc (interprété par James Thierrée, petit-fils de Charlie Chaplin!), a atteint un taux de popularité énorme à Paris, malgré le racisme de la Belle Époque.

Le film d’ouverture, Retour chez ma mère, est une comédie. Comme l’annonce le titre, une architecte de 40 ans est forcée de revenir vivre avec sa mère, semant la zizanie chez ses frères et soeurs.

L’identité sexuelle est au coeur d’une autre comédie, Toute première fois, dans laquelle un homosexuel passe une nuit avec une belle Suédoise, au grand dam de ses parents «progressistes».

Deux âmes brisées, victimes des ravages de la Première Guerre mondiale, tentent de se reconstruire dans L’Odeur de la mandarine, un film décidément féministe.

Publicité

Une autre relation passionnée entre une femme et un homme à une époque difficile, le Québec rural du 19e siècle, se trouve entravée par le diable en personne et son canot volant dans Chasse Galerie: la légende, de Jean-Philippe Duval.

De son côté, forte de son expérience de documentariste, Chloé Leriche dresse un portrait par trop réaliste – les acteurs sont tous non professionnels – de la vie quotidienne de la communauté atikamekw dans Avant les rues. Prisonnier du désespoir engendré par l’oisiveté et les suicides autour de lui, un jeune se réfugie dans la forêt où il renoue avec ses racines et traditions ancestrales.

CinéfrancoSaint Amour est un road-movie belge mettant en vedette Gérard Depardieu dans le rôle d’un père dont le fils rechigne à reprendre la ferme familiale. C’est aussi un film sur l’amour du vin, l’amour des femmes, l’amour de soi… et où l’on croise un chauffeur de taxi parisien donnant des leçons de séduction!

Les deux courts métrages sont Canadiens, dirigés par des réalisateurs de Toronto: Claudia Hébert, pour son premier film, Le Déni, capte une femme qui ne cesse de téléphoner à un homme qui ne décroche pas. Martin Brennan, lui, met en scène dans Rencontre un jeune touriste français qui, au hasard de ses pérégrinations, se met à parler avec une jeune femme sans abri. (Brennan a remporté les prix du Meilleur Film et des Meilleurs Acteurs au Festival Toronto Actors Place en 2015.)

«La sélection des films de cette année prend racine dans la société actuelle avec des sujets qui nous interpellent», résume Marcelle Lean. «Les réalisateurs et leurs œuvres de haute qualité parlent d’éléments qui définissent notre identité comme notre travail, la politique, notre sexualité, nos cultures et traditions, notre race… J’espère que les spectateurs seront inspirés par ces films captivants et les messages qu’ils véhiculent.»

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur