Les principes fondateurs de l’Union Européenne malmenés

60e anniversaire

Manif pro-européenne à Rome, où a été signé le traité créant l’UE il y a 60 ans. (Photo: Colomban Jaosidy)
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Publié 11/04/2017 par Lila Mouch

Une communauté fondée sur la paix, la liberté, la démocratie, les droits de l’homme et l’État de droit, une grande puissance économique. L’Union européenne porte en elle ces idéaux d’un monde parfait. Le 25 mars 1957 – il y a donc 60 ans – au Capitole, à Rome, six pays signaient le traité de Rome créant l’UE: Belgique, France, Allemagne, Italie, Luxembourg et Pays-Bas.

Des centaines de millions de personnes à travers l’Europe ont l’avantage de vivre dans un espace où les conflits d’hier ne sont plus.

Pourtant l’Union européenne, confrontée à de nouveaux défis au niveau international – notamment le terrorisme et les mouvements migratoires de grande ampleur résultant des guerres au Moyen-Orient – l’est également sur le plan intérieur.

Depuis plusieurs années, l’Europe cherche un nouveau souffle. Notre époque est différente de celle de 1957. Il faut composer aujourd’hui avec 27 chefs d’État et non plus 6. «L’Europe se heurte au retour des souverainistes, à la crise financière, à l’accueil des migrants qui incitent au repli», cite le journal La Croix. Le Brexit en est le constat le plus flagrant.

Les idéologies européennes, comme la création de l’espace Schengen (libre-circulation à l’intérieur de l’UE), se retrouvent à présent en difficulté et la confiance autour des frontières communes est à rebâtir.

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L’UE a commencé à renforcer les moyens de son agence de surveillance Frontex, toujours selon La Croix. Mais pour autant, «la sécurité, le droit de l’asile, les règles de retour d’un pays à l’autre sont encore mal définis».

L’Union européenne est une union à plusieurs vitesses. Dans une récente déclaration, les 27 s’engagent à «agir de concert, si nécessaire à des rythmes différents et avec une intensité différente, tout en avançant dans la même direction». Mais aussi de «faire front ensemble comme meilleure chance de peser sur les dynamiques et de défendre les valeurs et intérêts communs».

Le choc du Brexit

Cet anniversaire sous tension, fragilisé par le Brexit, restait une occasion de renouveler l’engagement pris il y a 60 ans: «Aujourd’hui, nous renouvelons nos vœux et réaffirmons nos engagements en faveur d’une union une et indivisible», proclamait Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne.

La veille, le Pape François avait salué les efforts de l’Europe qui, malgré toutes les menaces pesant sur elle, a réussi à maintenir la paix durant toutes ces années.

Le traité de Rome a été re-signé par les 27 chefs d’État le 25 mars dernier (ils auraient été 28 avec le Royaume-Uni…). D’après France 2 qui couvrait la commémoration: «quelques tensions étaient ressenties, puisque les chefs d’État n’étaient pas sûrs de recevoir les signatures de la Pologne et la Grèce sur le nouveau traité. Mais globalement la cérémonie s’est déroulée sans accrocs.»

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«Les manifestations pro-Europe comptaient environ 10 000 personnes», toujours selon le correspondant de France 2,«et dans le cortège nous pouvions saisir quelques regrets formulés pour les participants.»

Au niveau économique, les grands reproches émis à l’encontre de l’institution par les pro-UE revenaient à dire que, malheureusement, l’Europe avait mis en place certaines réformes empirant la situation d’États déjà en difficulté. Face à la crise migratoire, les choses n’avancent pas. Et, dans beaucoup de pays de l’union, les mouvements nationalistes récoltent de plus en plus de voix.

L’idéologie reste donc inchangée, malgré de lents progrès et une réputation en berne. Selon les eurosceptiques, en marche dans les rues de Rome le 25 mars, il est inévitable que l’UE soit vouée à une fin prochaine. Sur France Tv Info, Giuseppe Angiuli, de Renaissance socialiste, commentait  «l’Union européenne a collé sur le dos de tous les peuples une austérité insupportable qui a appauvri des millions de travailleurs, de familles et de jeunes.»

3000 policiers étaient déployés, «autant qu’aux funérailles de Jean Paul II», mais ce jour-là, les tensions étaient palpables. 170 Français ont été interpellés à la frontière. De nombreux groupes anti-européens et d’extrême gauche considérés dangereux s’étaient déplacés pour suivre le cortège des eurosceptiques, qui n’a cependant connu aucun débordement.

Canada-Europe

Le 60e anniversaire du Traité de Rome est également marqué par l’avènement de l’Accord économique et commercial global (AEGC, en anglais CETA pour Comprehensive Economic and Trade Agreement) avec le Canada qui est un partenaire commercial important de l’UE.

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Il est au 12e rang de ses relations commerciales, tandis que l’UE est le deuxième partenaire commercial du Canada, après les États-Unis: 60 milliards d’euros en échange de biens et 26 milliards en services.

Le Canada et l’UE entretiennent également une relation étroite en termes d’investissements. Le Canada est le quatrième investisseur étranger dans l’UE, tandis que l’UE est le deuxième investisseur étranger au Canada. L’AEGC a donc pour objectif de renforcer ces liens commerciaux et ces investissements.

«Pour les entreprises canadiennes, dont les secteurs de l’automobile, des métaux, des soins médicaux, des technologies, ce contrat s’avère être une aubaine», avait annoncé Cecilia Malmström, commissaire européenne au Commerce, le 20 mars dernier à l’école Munk de l’Université de Toronto, «sans oublier que les taxes de 8% sur le sirop d’érable disparaîtront aussi pour les Européens»!

Les juristes de la Commission sont en train de réviser le texte de l’accord. Une fois qu’il aura été traduit dans toutes les langues officielles de l’UE, il sera examiné par le Conseil de l’UE et le Parlement européen.

Les réticences

Plusieurs points de blocage persistent dans cet accord économique de près de 2000 pages.

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On prévoit notamment qu’en cas de désaccord avec la politique publique menée par un État, une entreprise multinationale peut porter plainte au sein d’un tribunal d’arbitrage international. Sur ce point, la Wallonie, la province francophone de la Belgique, s’y oppose encore fortement.

L’abaissement des droits de douane favorise l’exportation du bœuf canadien sur le territoire européen. Jusqu’à maintenant, le Canada ne pouvait envoyer qu’une petite quantité de bœuf dans les pays européens. Avec l’AEGC, les quantités pourront être multipliées par dix.

Le Vieux Continent risque aussi de voir arriver chez lui le gaz de schiste canadien, soumis à des normes environnementales moins sévères que le sien.

Pour l’Union européenne, l’avantage réside dans une probable augmentation de 25% des échanges commerciaux.

La décision du Conseil constitutionnel de l’UE sur le traité de libre-échange avec le Canada était attendue pour le 22 mars. Mais est finalement repoussée au début de l’été. Les signatures finales seront apposées dans un laps de temps assez long, c’est pourquoi une clause spéciale permet de l’appliquer en partie avant même qu’il ne soit ratifié officiellement.

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Pour mieux comprendre l’AECG, le journal Le Monde propose cette vidéo de novembre 2016:

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