«Kuei» à la nouvelle chaire de recherche autochtone de l’Université d’Ottawa

L'Université d'Ottawa deviendra une autorité en matière de recherche sur les traditions intellectuelles et l'autodétermination des Premiers Peuples.
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Publié 02/03/2021 par André Magny

Après plusieurs mois d’attente, la chaire de recherche du Canada en traditions intellectuelles et autodétermination des Premiers Peuples verra enfin le jour à l’Université d’Ottawa. Son titulaire, Pierrot Ross-Tremblay, a la ferme volonté de rendre plus visibles et audibles les paroles autochtones.

«Kuei» = «Bonjour» en innu.

Retourner à la source

Il y aura des recherches pour garder bien vivants l’histoire et le legs des cultures autochtones, en particulier les savoirs des aînés. Une partie des recherches servira également à renforcer l’autodétermination des peuples autochtones.

Pierrot Ross-Tremblay

«Le travail de la chaire sera de retourner à la source», explique le professeur innu. «D’amplifier la parole des aînés afin de la rendre accessible aux plus jeunes.»

Pour ce faire, l’ancien directeur du Département de sociologie de l’Université Laurentienne entend bien fouiller dans les archives à la recherche d’une parole trop longtemps marginalisée, sinon oubliée. «En connectant avec notre mémoire culturelle profonde, on libère notre imagination», poursuit-il.

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Ce travail de la parole se fera aussi dans un sens thérapeutique. En mettant au jour cette parole, l’universitaire espère travailler également sur les traumatismes du colonialisme et les fossés intergénérationnels. «Le travail de vérité n’est pas fini», martèle-t-il au cours de l’entrevue.

Tisser des liens

Puisque «la responsabilité de l’intellectuel est de documenter le colonialisme et ses effets», comme l’affirme M. Ross-Tremblay, le chercheur sait d’avance que ses recherches ne lui apporteront pas nécessairement des amis.

«Je vais travailler en fonction des besoins des Premiers peuples et non au service des exigences des élites et de l’establishment académique», dit-il.

Toutefois, avec son équipe, il entend non seulement mettre de l’avant les langues autochtones, mais aussi favoriser le dialogue et la diplomatie entre les paroles francophone et anglophone au sein des Premières Nations. Une professeure de l’Université Saint-Paul, Nawel Hamidi, viendra lui prêter mainforte.

En fait, ça fait 15 ans que le duo de chercheurs, qui est aussi un couple, fait des recherches ensemble. «La chaire est en soi un accomplissement», confie l’avocate de formation.

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Un site internet

Parmi les premiers projets que suscitera la chaire en 2021, Me Hamidi affirme qu’il y aura un site internet de créer afin de rendre accessibles leurs recherches dont la numérisation d’archives uniques et aussi de récits de vie qu’ils sont en train d’enregistrer.

«On souhaite rapatrier des archives qui sont en danger, mais accroître les capacités d’autoarchivage des gens eux-mêmes. Beaucoup de communautés n’ont pas nécessairement des systèmes d’archivage», explique celle qui donne notamment les cours Peuples autochtones et conflits et Théories antiracistes et anticoloniales à l’Université Saint-Paul.

Physiquement, la chaire serait-elle en mesure d’accueillir moult archives? Si les chercheurs sont trop à l’étroit, la Chaire étant logée dans l’Institut de recherche et d’études autochtones de l’UO, celui-ci sera capable de les appuyer dans cette démarche.

Pour une vraie réparation

Quand Pierrot Ross-Tremblay parle de libérer ou d’amplifier la parole, il pense notamment à celle des femmes, effacée par la misogynie et les formes de domination, qu’elles soient autochtones ou non, mais aussi à celle des critiques du pouvoir colonial et de ses abus jusqu’à aujourd’hui.

Il veut alimenter la souveraineté narrative des marginalisés, des exclus, de ceux dont les vérités dérangent, mais sont nécessaires pour la guérison et un dialogue fructueux pour l’avenir.

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«Comment repenser la vision de notre société, de notre relation avec la Terre, si les voix qui portent nos riches traditions intellectuelles restent dans l’ombre, confinée aux archives?», questionne-t-il.

Afin de rendre supportable la réconciliation au niveau humain entre Premiers Peuples et autres citoyens du Canada, il faut selon les deux chercheurs «revaloriser ce qui a été caché».

Valorisation des traditions autochtones

Intégrité, courage, partage, guérison et participation seront les maîtres mots qui guideront la nouvelle chaire. Déjà, certaines institutions sont ravies de la naissance de la chaire. C’est le cas du Centre Louis-Riel du Collège Boréal à Sudbury.

Un porte-parole fait valoir que «la recherche sur le savoir, les traditions et l’autodétermination des Premiers Peuples revêt une importance capitale pour le renouvellement de la relation de nation à nation avec les peuples autochtones».

Le Collège voit d’un très bon œil la valorisation du savoir et des traditions autochtones. Tout comme la nouvelle chaire le fera, le Centre Louis-Riel travaille déjà avec les aînés de la communauté pour faire partager leur savoir auprès des plus jeunes comme c’est le cas, par exemple, dans la connaissance des plantes médicinales.

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«L’octroi d’une chaire de recherche du Canada à Pierrot Ross-Tremblay est une excellente nouvelle pour la mise en valeur de ces traditions», selon le Collège.

Sortir du colonialisme

En attendant le début des conférences avec des aînés ou la mise en place d’une université d’été avec des séminaires nomades, les chercheurs associés à la nouvelle chaire ont bien l’intention que l’amnésie culturelle imposée aux Premiers Peuples continue de s’effriter pour qu’un autre récit de ce pays sorte de la torpeur où le colonialisme l’a installée.

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