Champlain demanderait à être servi en français en Ontario

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Publié 27/01/2015 par Alix Forgeot

Que penserait Samuel de Champlain de l’Ontario français d’aujourd’hui? Nul ne le sait, mais la Société d’histoire de Toronto a invité François Boileau, commissaire aux services en français de l’Ontario, à tenter de l’imaginer.

C’est donc mercredi dernier, en ce début de 2015 marquant le 400e anniversaire de la présence française chez nous (les voyages de Champlain et de son guide Étienne Brûlé jusqu’à la Baie Georgienne) que le public s’est retrouvé à la galerie Pierre Léon de l’Alliance française de Toronto pour naviguer entre les aventures de l’explorateur Champlain et les temps modernes.

Me Boileau ne se revendique pas historien ou ne prétend pas voir le passé ou l’avenir dans une boule de cristal. Il aborde le sujet de façon objective et non sans humour.

«Je vous mets en garde! On m’a demandé de réaliser une tâche impossible: parler de Champlain et parler de l’Ontario comme s’il était là aujourd’hui», prévient-il. Ainsi, dans le but de préparer sa présentation tout en évitant les écueils de l’Histoire, le commissaire aux services en français s’est fié au livre de David Hackett Fischer, Le rêve de Champlain.

Cette oeuvre a été adaptée à la télévision par TFO, qui lancera la série le 9 mars en grandes pompes, au Musée des beaux-arts du Canada à Ottawa.

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Le public venu assisté à la conférence à l’AFT a pu découvrir ou redécouvrir toute l’ampleur du personnage de Samuel de Champlain (né vers 1570, décédé en 1635). Non seulement «espion du roi» de France Henri IV, il était aussi «cartographe de génie et navigateur hors pair».

«On disait qu’il était béni des dieux», explique François Boileau. «En 27 voyages, il n’a jamais perdu un navire!»

Une fois, l’explorateur aurait même pris le commandement d’un bateau pour éviter qu’il ne se fracasse contre les côtes.

Si l’amoureux de l’océan revêtait des apparences de «chef de guerre», c’était aussi un «leader visionnaire» et un profond «humaniste», notamment avec les Premières Nations.

«Samuel de Champlain savait qu’il était celui qui venait d’ailleurs», selon François Boileau. «Il avait compris qu’il fallait voir les Premières Nations comme des partenaires potentiels et chercher à coexister. Il agissait comme arbitre et médiateur au sein de ses alliés et entre les Français et ses alliés».

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Champlain pensait aussi qu’il était possible d’être Huron et catholique. «C’était surprenant de penser ça à l’époque», indique le commissaire aux services en français.

Celui qui a traversé l’Atlantique à destination des Indes occidentales serait sans doute très «surpris de savoir que l’Inde n’était pas le chemin indiqué», selon Me Boileau. 

Il serait aussi certainement étonné de découvrir que l’Amérique et la France ont chacune pris la forme d’une République.

Question navigation, s’il était encore vivant, Samuel de Champlain serait certainement intéressé par une expédition en Arctique avec les moyens de transport actuels.

En ce qui concerne les langues et les cultures, celui qui a joué un rôle primordial dans la fondation de la Nouvelle-France serait certainement heureux de voir que le Canada constitue une terre d’accueil et que l’Ontario est diversifié, notamment dans sa francophonie.

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Il se réjouirait sans doute du nombre de francophones en Ontario (plus d’un demi-million de langue maternelle, et encore plus pour qui c’est la langue seconde) et serait fier de voir que la langue française se porte étonnamment bien dans le monde (220 millions de locuteurs en 2010, soit 3% de la population de la planète), «malgré des événements tels que le Grand Dérangement (1755-1763) ou le traité de Paris (1763)».

Bref, s’il était en Ontario, Samuel de Champlain «demanderait peut-être à se faire servir en français!», s’amuse Me Boileau, dont le commissariat sert notamment de bureau de plaintes.

Cependant il serait sans nul doute déçu «de voir que le partage des cultures et des territoires n’ait pas totalement fonctionné, et de constater que les langues autochtones sont en danger», pense François Boileau. Samuel de Champlain aurait certainement été outré du sort réservé aux pensionnaires des écoles autochtones et il se demanderait certainement «pourquoi il n’y a pas de commissaire fédéral et provincial aux affaires autochtones».

En tant que visionnaire et précurseur, «Samuel de Champlain aurait certainement apprécié la notion qu’en milieu minoritaire, si on n’avance pas, on recule»…

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