À propos des majuscules accentuées

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Publié 12/04/2011 par Martin Francoeur

Il y a de ces mythes qui doivent parfois être défaits. La langue française est parsemée de croyances populaires qui supplantent parfois les règles les plus élémentaires. L’une d’elles concerne l’accentuation des majuscules.

Un jour, alors que je prenais part à un concours de dictée, une concurrente assez âgée tentait en vain de plaider sa cause pour un accent oublié sur une majuscule. Une des phrases de la dictée commençait par «À partir de ce moment…».

La dame avait omis de mettre l’accent grave sur la lettre «a» majuscule en début de phrase. Elle mentionnait qu’on ne devait pas considérer comme une faute le fait de ne pas mettre d’accent sur une majuscule.

La dame a tort. Mais elle aurait peut-être eu raison il y a une trentaine d’années. Pourquoi une trentaine? Parce que c’était encore l’époque des dactylos, des bonnes vieilles machines à écrire. Les traitements de texte informatisés n’étaient pas encore répandus et utilisés comme ils le sont aujourd’hui.

Une raison technique

La pratique tendant à ne pas accentuer les majuscules vient probablement de l’imprimerie. On a longtemps utilisé des caractères de plomb à taille fixe qu’on alignait pour mettre en forme un texte destiné à l’impression.

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Puisque la hauteur d’une lettre majuscule accentuée dépassait celle des autres capitales, on l’omettait, tout simplement.

Certains imprimeurs plus audacieux mettaient l’accent immédiatement à côté de la lettre majuscule. Dans certains autres cas, on abaissait la taille de la capitale pour y déposer un accent ou pour la surmonter par une cédille.

Mais un grand nombre d’imprimeurs laissaient simplement les lettres majuscules sans accent, une pratique qui se répandit dans l’usage. Longtemps, en écriture cursive, on n’accentuait pas les lettres majuscules.

Des caractères distincts

Or, on oubliait ainsi une des règles fondamentales en français. Les accents ont ce qu’on appelle une pleine valeur orthographique. La lettre «é» n’est pas la même que la lettre «e» sans accent. L’utilisation de signes diacritiques – accents, trémas, cédilles et tildes, par exemple – permet de créer des caractères différents.

C’est vrai en français, mais aussi dans bien d’autres langues dans lesquelles ils sont plus importants encore. L’anglais est une des rares langues dépourvue de lettres accentuées.

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L’Académie française recommande depuis plusieurs années l’usage des accents ou des trémas sur les majuscules, tout comme l’utilisation de la cédille. Mais il y a encore de la résistance.

Dans certaines parties du monde francophone, seules les minuscules ou les mots entièrement écrits en capitales sont accentués dans les textes courants.

Il arrive donc qu’on lise «un chef d’Etat» au lieu de «un chef d’État», comme il se doit. Heureusement, grâce aux avancées en matière d’édition, à l’avènement de l’informatique et à l’arrivée de nouveaux procédés d’impression, cette pratique tend à disparaître.

Même s’il est normal que plusieurs enseignants, au fil des ans, n’aient pas exigé de leurs élèves qu’ils accentuent les majuscules, principalement en raison d’exemples contraires qu’on retrouvait dans certains ouvrages, une telle pratique n’est pas correcte pour autant.

C’est sans doute la raison pour laquelle il se trouve encore aujourd’hui des personnes qui ont «appris» à ne pas nécessairement accentuer les majuscules.

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Le cas des acronymes

Il reste encore certaines traces de la non-accentuation des majuscules. La plus connue, puisqu’elle est encore bien présente aujourd’hui, est celle des acronymes.

Certains ouvrages très actuels mentionnent que les sigles sont une exception à l’accentuation systématique des majuscules.

Lorsqu’un sigle se prononce en épelant chacune des lettres initiales des mots qui sont ainsi abrégés, alors on évitera de mettre la majuscule. On dira donc «OCDE» plutôt que «OCDÉ», puisque le sigle représente pourtant l’«Organisation de coopération et de développement économiques». Le mot «économiques» commence pourtant par un «é», mais dans le sigle, on dira «OCDE».

(Ouvrons une petite parenthèse pour mentionner que les sigles s’écrivent de plus en plus sans points pour séparer les lettres qui le composent.)

REER ou RÉER ou REÉR

Mais de plus en plus, l’usage devient flottant. Certains abrégeront l’école des Hautes Études commerciales en utilisant le sigle «HEC». D’autres mettront l’accent aigu sur la lettre «e» centrale, pour former «HÉC».

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Mais quand on prononce comme un seul mot distinct certains de ces acronymes, la logique tombe. Lorsque vient le temps de cotiser aux REER, on prononce toujours «ré-err», alors que dans les faits, s’il y a un accent aigu, il devrait apparaître sur le deuxième «e», puisqu’on parle d’un «régime enregistré d’épargne retraite».

Un des guides typographiques que l’on trouve sur le logiciel Antidote mentionne en conclusion que «l’accentuation des capitales est fortement recommandée dans tous les cas, mais elle est facultative pour certains sigles et acronymes qui s’y prêtent mal pour des raisons de prononciation».

Et puis c’est tellement facile, maintenant, d’aller chercher une lettre majuscule accentuée sur nos claviers d’ordinateur. En tout cas, pour le titre de cette chronique, je n’ai eu aucune difficulté…

Auteur

  • Martin Francoeur

    Chroniqueur à l-express.ca sur la langue française. Éditorialiste au quotidien Le Nouvelliste de Trois-Rivières. Amateur de théâtre.

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